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Full text of "Gaspard Duiffoproucart et les luthiers lyonnais du XVIe siècle; étude historique, accompagnée de piáces justificatives et dun portrait en héliogravure"

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Llbrs'y BurMu Cat. no. 1137 




GASPARD DUIFFOPROUCART 

ET 

LES LUTHIEPxS LYONNAIS 

Vu X\l» siècle 



ÉTUDE HISTORIQUE 

accompagné, da Pièces justlficaUye. et d'un Portrait en Mliojravars 



Da même auteur, à la, même librauùe : 



Xes Drames musicaux de Richaud ^^'AG^•ER et le théathu i>e Bayueutit, 
I voliinio in-i3 3 l'r. Ho 



1 yoi;. — Iiîip. PiTUAT Aîné, A. Rey Successeur, 4, rue Gentil. -< ûCOT 



GASPARD DUIFFOPROIICART 



LES LUTHIERS LYONNAIS 



Du ILVl* Siècle 



ÉTUDE HISTORIQUE 

accompagnée de Pièces justificatives et d'un Portrait en héliogravure 



LE D"^ HENRY COUTAGNE 



DISCOURS DE RÉC1':PT10N 

lAcadémie des Sciences, Belles-LeUrcs et Arts de Lyon 
prononcé dans la séance publique ilu 21 mars 1893 




PARIS 

LIBRAIRIE FISGHBACHER 

(Société anonyme) 

33, RUE DE SEINE, 33 

1893 

Tous droits réservés 



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GASPARD DUllTOPROUCAllT 

ET 

LES LUTHIERS LYONNAIS 

Uu XVIo Siècle 

ÉTUDE HISTORIQUE 

accompagnéË de Pièces justificatives et d'un Portrait en héliogravure 



Messieurs, 

Lorsque M. Emile Guimet, laissant vide parmi vous la 
place à laquelle vous m'avez fait l'honneur de m'appeler, 
vous a demandé d'échanger contre l'éméritat son titre de 
membre titulaire, il lui en a certainement coûté de relâcher 
les liens qui l'attachaient à l'Académie. Les exigences impo- 
sées par l'évolution de sa brillante carrière, et surtout le 
changement de résidence exigé pour la mise en valeui 
complète de l'établissement de Haut Enseignement auquel 
son nom restera attaché, ont pu seuls lui faire inter- 
rompre la collaboration féconde qu'il apportait depuis de 
longues années à vos travaux. Il aimait à vous offrir les pré- 
mices de ses études, sentant bien à quel point elles avaient 
àbénéficier du caractère encyclopédique et éclairé de l'Aca- 



6 LES LUTHIERS LYONNAIS AU XVI-= SIÈCLE 

demie, et, soil dans des intéressantes communications, soit 
dans les discussions soulevées par ses collègues, il vous met- 
tait à même d'apprécier les ressources d'une intelligence 
ouverte à tous les sujets, préparée à l'exploration de tous les 
filons des connaissances humaines. 

Ces réflexions se sont souvent présentées à mon esprit au 
momentoùj'ambitionnais l'honneur de m'asseoir parmi vous, 
et ce n'est pas sans appréhension que je comparais les titres 
de mon prédécesseur avec ceux que je pouvais faire valoir. 
Mais votre bienveillance est venue me prouver que j'avais eu 
raison de surmonter mes hésitations premières, et s'est plu 
certainement à exagérer la valeur des quelques essais musi- 
caux et littéraires par lesquels j'ai parfois cherché, au coin 
de mon foyer solitaire, une diversion à l'étude des problèmes 
médico-légaux dont la solution constitue le fond de ma vie 
professionnelle. 

Je me suis promis dès ce jour de vous remercier par 
l'hommage d'un travail dont le sujet eût au moins, à défaut 
du mérite de l'exécution, un intérêt inhérent à l'esprit et aux 
tendances les plus intimes de l'Académie. Certes il n'est pas, 
dans le domaine intellectuel et moral, une question dont 
vous vous désintéressiez, pas une seule sur laquelle vous ne 
puissiez à un moment donné être appelé à laisser votre 
empreinte. Mais vos origines, vos traditions, votre essence 
même vous portent irrésistiblement vers tout ce qui touche 
directement à notre ville, et vous invitent à mettre en 
lumière, dans le passé et dans le présent, ses institutions, 
ses travaux et ses citoyens dignes de mémoire. 

Malgré la passion tenace avec laquelle l'histoire de Lyon 
a été de tout temps fouillée par nos concitoyens, son domaine 
offre encore bien des coins inexplorés. Le chercheur a plus 
qu'à glaner avant d'avoir reconstitué les particularités de 
notre vie passée, dont la pénétration est si souvent rendue 



GASPARD DL'II-'FOPROUCARD y 

difficile par la discrétion mystérieuse qui paraît avoir tou- 
jours imprimé son cachet à nos pensées et à nos actes. 
Ainsi, nous savons bien qu'à la Renaissance, à cette époque 
peut-être unique par l'intensité du mouvement des idées et 
des hommes, le rôle de Lyon a été des plus considérables; 
mais, même pour cette époque où les documents ne manquent 
pas, a-t-on suffisamment fait connaître tous les modes sui- 
vant lesquels l'activité de nos pères s'est exercée ? Ce travail 
contient implicitement une réponse négative à la question, 
car il vous apporte, sans avoir la prétention d'épuiser la 
source d'études similaires, un chapitre nouveau dans l'his- 
toire de l'art, celui des luthiers lyonnais du xvi^ siècle. 



Le violon et sa famille ont conservé et vu plutôt grandir 
que décroître leur importance à travers les phases du déve- 
loppement extraordinaire que la musique instrumentale a 
pris en Europe depuis un siècle. Les artistes exécutants ont 
eu le devoir de soumettre à des études et à des investigations 
minutieuses les pièces de lutherie qui comptaient pour un 
facteur non négligeable dans leur valeur professionnelle, et 
leur engouement justifié pour les instruments à archet des 
anciennes écoles a même gagné les simples amateurs, sou- 
vent séduits moins par les qualités acoustiques que par la 
grâce de la forme et la beauté de la facture. Comme consé- 
quence naturelle, on devait s'intéresser à la personne des 
auteurs de ces objets de haute curiosité, et chercher à rap- 
procher les particularités de leurs vies de celles de leurs 
œuvres. Ainsi s'explique-t-on facilement que l'histoire de la 
lutherie constitue dans la musicographie moderne un do- 
maine à part, d'une richesse bibliographique peu commune, 
et dont les productions semblent se succéder à intervalles 



8 LES LUTHIERS LYONNAIS AU XVI<: SIÈCLE 

de plus en plus rapprochés depuis une trentaine d'années. 
Son intérêt a même franchi les limites de la spécialité artis- 
tique, et, à défaut du nom des chefs de toutes les écoles de 
lutherie, le grand public a appris au moins ceux de la glo- 
rieuse triade crémonaise : Amati, Stradivarius et Guarnerius, 

Pour l'âge d'or de la lutherie, c'est-à-dire pour le xyii*^ et 
le xviii^ siècles, nous possédons des documents sinon com- 
plets, du moins explicites, et pouvant servir de base à des 
esquisses historiques d'une valeur réelle. Mais à mesure que 
nous remontons dans le xvi^ siècle, les incertitudes augmen- 
tent, le terrain se dérobe sous nos pieds. La vie même de la 
première génération des Amati manque à l'heure actuelle 
des points de repère les plus élémentaires; les artistes des 
vieilles écoles de Mantoue et de Brescia sortent à peine de la 
légende, et depuis 1891 seulement nous connaissons le nom 
patronymique et les principales dates biographiques du plus 
célèbre d'entre eux, Gaspar da Salô*. 

Or, à cette époque capitale pour l'évolution artistique en 
général, et qui emprunte à l'invention ou plutôt à la consta- 
tation précise du violon une importance spéciale pour la 
musique instrumentale, nous trouvons signalé par tous les 
auteurs un luthier de premier ordre établi à Lyon. Il se 
présente à nous comme un personnage à la fois important et 
mystérieux : important de par le portrait dû à un graveur 
de marque qui a transmis ses traits à la postérité, et la fac- 
ture originale des instruments dont on lui attribue la signa- 
ture; mystérieux de par l'obscurité qui entoure sa vie 
jusqu'à nous, malgré la précision apparente des détails de 
certaines de ses biographies. La forme même de son nom 
reste jusqu'à un certain point discutée. Les Allemands 



* G. Livi (Naova anlhologia^ 16 août 1891) a découvert qu'il s'appe- 
lait Bertolotti, était né en i542 et mort en 1609. 



GASPARD DUIFFOPROUCART g 

l'appellent Gaspard TiefFenbrûcker. Permettez-moi d'adop- 
ter, en me basant sur une preuve solide qui sera fournie 
plus loin, l'orthographe légèrement modifiée de l'inscription 
de son porLrait, et d'entrer sans plus tarder dans l'exposé du 
curieux historique de la vie de Gaspard DuifFoproucart. 



En 1812, un écrivain dont l'érudition consciencieuse est 
restée célèbre, Ernst Ludwig Gerber, insérait, dans la 
deuxième édition de son Dictionnaire biographique des 
musiciens, un article de quelques lignes sur le luthier 
Gaspar Duiffoprugcar, dont le nom ne figurait pas dans sa 
première édition datée de 1790. Il se borne à dire qu'il est 
né en i5i4, que ce renseignement est le seul qu'on pos- 
sède sur sa vie, mais qu'on doit présumer qu'il avait été un 
maître éminent d'après un portrait fait dans sa quarante- 
huitième année, dont la description est donnée sur les 
indications d'un amateur nommé le major von Wagner ^ 

Cet article discret fait le contraste le plus frappant avec 
celui, signé Roquefort, que publiait sur le même artiste et 
dans la même année la Biographie universelle ancienne et 
moderne^ recueil plus connu depuis sous le nom de Biographie 
Michaud. L'auteur, dans lequel il est facile de reconnaître 
l'inspirateur des lignes consacrées deux ans auparavant à 
notre luthier par Choron et Fayolle ^, nous apprend ce qui 
suit : 

Gaspard Duiffoprugcar est né dans le Tyrol italien vers 
la fin du xv^ siècle ; il a voyagé en Allemagne, puis en Italie . 

^ Neues historisch- hiocjraphisches Lexikon der Tonkiinstler^ t. I, 
p. 960; Leipzig, 1812. 

~ Dictionnaire historique des musiciens, t. I, p. i35 ; Paris, 1810 



10 LES LUTHIERS LYONNAIS AU XVI' SIECLE 

et s'est fixé à Bologne au commencement du xvi^ siècle. 
Lorque le roi François I*^'" se rendit en i5i5 dans cette ville 
pour établir le concordat avec le pape Léon X, il enrôla 
DuifFoprugcar parmi les artistes qu'il voulait emmener en 
France, et l'installa à Paris pour y fabriquer les instruments 
à archet de sa Chapelle royale. Mais notre artiste, incom- 
modé par le climat froid et nébuleux de la capitale, demanda 
la permission de se retirer à Lyon (!) et y serait mort avant 
le milieu du siècle. L'article donne ensuite des détails sur 
trois instruments de ce luthier qui auraient appartenu à 
l'auteur, et se termine par la description du portrait signalé 
ci-dessus. Disons-le tout de suite, ce portrait, dont il sera 
souvent encore question dans cette étude, est une œuvre 
authentique du graveur lorrain, Pierre Wœiriot. 

On chercherait vainement dans cette biographie le renvoi 
à la moindre source pour les détails précis qui la composent : 
une inscription trouvée sur un des trois instruments en 
question peut seule passer pour une preuve du séjour de 
Duiffoproucart dans notre ville. 

Le rôle prépondérant joué dans la question par cette 
notice nous engage à verser ici au débat quelques détails 
empruntés à Fétis sur son auteur *. 

Jean-Baptiste - Bonaventure Roquefort- Flamericourt est 
né àMons, d'une famille créole, en 1777. Par suite de circon- 
stances qui nous sont restées inconnues, il a fait ses études au 
collège delà Trinité de Lyon, devenu depuis le lycée Ampère. 
Puis il se rendit à Paris, où, après une carrière militaire 
assez irrégulière, il se livra à l'enseignement du solfège, et, 
par une pente naturelle, à la littérature musicale, ce qui 
l'amena à réunir une collection importante de documents et 

* Biographie universelle des musiciens, vol. 7 , p. 807; art. Roque- 



GASPARD DUIFFOPROUGART I i 

d'instruments anciens. En i8o4, il s'associait avec Fétis à 
ses débuts pour la rédaction d'un journal spécial qui n'eut 
qu'une existence éphémère. Peu après il se lançait dans 
l'étude de la langue romane, et en publiait un glossaire assez 
prisé. Mais ses ouvrages et les articles musicaux qu'il insé- 
rait dans le Moniteur universel et dans la Biographie 
Michaud ne lui assuraient qu'une existence précaire. Il fut 
forcé de se mettre à la solde de certains libraires, vendit tous 
les matériaux musicographiques qu'il avait recueillis dans sa 
jeunesse, et mourut en i833, « épuisé parle travail etl'intem- 
pérance » . 

Nous ne croyons pas que jamais travail historique ait été 
accueilli avec plus de faveur et moins de contrôle que la 
biographie de Duiffoproucartpar Roquefort. Rien d'étonnant 
à ce que Gastil-Blaze s'en soif emparé dans la brochure insi- 
gnifiante qu'il a consacrée à la Chapelle-musique des rois 
de France*. Mais G.-B. Bernhardt l'admet aussi facilement 
dans son étude consciencieuse des ménétriers de la ville de 
Paris, où, sauf sur ce point, il ne marche qu'à coup sûr, 
étayant ses moindres assertions de documents authentiques 
et de textes d'archives ^. Fétis, plus à même que n'importe 
qui de concevoir des doutes sur la valeur de son ancien col- 
laborateur, n'hésite pourtant pas à se baser sur sa notice, 
toutes les fois que le nom de DuifFoproucart revient sous sa 
plume ^. Désireux seulement de tenir compte de certaines 
indications chronologiques inscrites sur le portrait de 



* Chapelle-musique des rois de France, p. 54; Paris, i832. 

^ Recherches sur Vhisioire de la corporation des ménétriers ou 
joueurs d' instruments de la ville de Paris (Bibliothèque de l'Ecole des 
Chartes, vol. 3 et 4, i84i à i843). 

^ Antoine Stradivari et recherches sur Vorigine et les transformations 
des instruments à archet, p. 5o et 5i, i856. — Biographie universelle 
des musiciens, vol. 3, p. 74, art. Duiffoprugcar. 



12 LES LUTHIERS LYONNAIS AU XV f SIECLE 

Wœiriot, il suppose, sans y insister davantage, que le modèle 
a dû vivre jusqu'en i562. 

Appuyée sur de pareilles autorités, la version de Roque- 
fort paraît désormais acquise à l'histoire. Le prince Yous- 
soupow *, Sandyset Forster^, la reproduisent sans commen- 
taires. Jules Gallay^ croit devoir y ajouter quelques détails : 
il nous apprend, mais toujours sans preuves^ que Duiffo- 
proucart était à la fois peintre, sculpteur et luthier, et qu'il a 
surtout fait à Lyon des ouvrages de marqueterie. Parmi les 
auteurs de cette jDériode, Hermann Mendel vient seul jeter 
une note discordante en reproduisant dans son dictionnaire 
de musique l'article de son devancier Gerber ; mais il meurt 
avant l'achèvement de cette publication importante, et son 
continuateur, Reissmann s'empresse, dans un volume sup- 
plémentaire daté de i883, de revenir à la biographie à la 
mode''. 

Presque à la même époque, paraissent en France et en 
Allemagne, deux publications importantes pour l'histoire de 
la lutherie, dues l'une à Antoine Vidal, l'autre à Joseph 
Wilhelm von Wasielewski. 

Vidal, dans le premier volume de son grand ouvrage 
sur les Insfrumenls à archet^^^ reproduit sur Gaspard 
Duiflbproucart la version courante, mais en déclarant 
très nettement qu'elle ne repose sur aucune preuve ; puis 
il discute la gravure de Wœiriot, mais s'arrête en chemin, 



^ Luthomonoyraphie^ i856. 

^ The hislory of the violin, Londres, 1864. 

^ Les Luthiers italiens aux xvii'' et x\m'^ siècles, 1869. — Les 
Instruments des écoles italiennes, 1872. 

^ Musihalisches Conversations-Lexikon, vol. 3, p. 268, 1873. — Id., 
supplément, p. 83, i883. 

^ Les Instruments à archet, t. I^ p. 162-65, 1876. — Voir aussi du 
même : La Lutherie et les luthiers, 1889. 



GASPARD DUIFFOPROUCART l3 

et retombe dans rincerLitude sous le joug de l'autorité de 
ses devanciers. 

Peu d'ouvrages jouissent de plus d'autorité en la matière 
que celui que Wasielewski a publié en 1874 et dont il adonné 
une deuxième édition en i883 *. Si nous consultons cette 
dernière, nous y trouverons signalée l'existence de deux 
luthiers du nom de DuifFoprugcar répondant aux prénoms 
de Gaspard et d'Uldrich, ayant vécu à Bologne au commen- 
cement du xvi^ siècle, et dont le premier y a été l'objet des 
faveurs du roi François P^ dans les conditions que nous 
connaissons déjà. Comme source de cette variante histo- 
rique, l'auteur indique le traité du luth, publié en 1727, par 
Ernst Gottlieb Baron ' ; mais nous y avons cherché vaine- 
ment, en particulier dans le septième chapitre consacré aux 
fabricants célèbres de luths, les noms de Gaspard et d'Uldrich 
DuifFoprugcar ou Tieifeubriicker : on n'y rencontre que trois 
Tieffenbrûcker, porUmt des prénoms tout différents, artistes 
qui n'ont vécu qu'à la fin du xvi^ siècle et sur lesquels nous 
reviendrons plus loin. 

Wasielev^ski discute ensuite l'opinion de Gerber, prête à 
son devancier l'assertion toute gratuite que l'année 1 562 où 
Wœiriot a gravé son portrait est celle de la mort du modèle, 
et se contente, pour réfuter la fixation de la naissance de 
DuifFoproucart à l'année i5i4, de déclarer que cette date est 
inconciliable avec l'engagement du luthier par François l^^. 
De plus, il imagine de commenter les réserves de Vidal en 
lui faisant dire que DuifFoproucart avait quarante-huit ans 
en i5i5 et, par conséquent, serait né en 1469- Enfin, ne 
quittons pas cet auteur sans mentionner qu'il adopte pour 



* Die Violine und ihre Meister, Leipzig. 

^ Ilislorische Iheoreiisch und practische Untersuchung des Instru- 
ments des Lauten, Nuremberg, 1727. 



l4 LES LUTHIERS LYONNAIS AU XVl' SIÈCLE 

le nom de notre artiste la forme allemande de Tieffenbrûcker, 
et lui donne une origine bavaroise. 

Nous apprenons par Richard Rûhlmann ^ que le procédé 
commode consistant à prêter à ses devanciers des assertions 
de toutes pièces n'est pas spécial sur ce sujet à Wasielewski, 
et qu'un musicographe du milieu du siècle, Kiesewetter, avait 
regardé le portrait de Duiffoproucart comme fait à Nuremberg 
d'après la notice de Gerber, d'où la supposition que cette 
œuvre est la copie d'une gravure faite cinquante ou soixante 
ans auparavant, du vivant du modèle (?). Rûhlmann se con- 
tente de ne pas admettre cette version originale, mais se garde 
bien de la discuter en prenant comme point de repère la vie 
du graveur, dont il paraît même ignorer le nom. 

M. Albert Jacquot a eu à s'occuper plusieurs fois de notre 
luthier et de son portrait. Dans son ouvrage sur les musiciens 
lorrains*, il a cherché à concilier la version de Roquefort 
avec la présence de Duiffoproucart en Lorraine dans la 
seconde moitié du xvi^ siècle. Mieux éclairé sans doute sur 
l'importance de la phase lyonnaise de la vie de Wœiriot, il 
a, depuis ^, passé sous silence cette dernière hypothèse et 
déclaré, sans commentaires, que Duiffoproucart avait qua- 
rante-huit ans en i562. 

Arrêtons ici cette revue historique en nous contentant de 
signaler des redites ou des variantes insignifiantes dans les 
ouvrages plus récents sur la matière de Ghouquet*, Hart^, 



*■ Die Geschichle der Bogeninstrumente, Brunswick, 1882. 

^ La Musique en Lorraine, 3*^ édition, 1886. 

^ Les Wiriot- Wœiriot, orfèvres-graveurs lorrains (Compte rendu 
des réunions des Sociétés des Beaux-Arts des départements, 1891.) 

^ Le Musée du Conservatoire national de musique, 2.'^ édit. du cata- 
logue, 1884. 

^ Le Violon, ses luthiers célèbres et leurs imitateurs, trad. de l'an- 
glais par A. Royer, 1886. 



GASPARD DUIFFOPROUCART 10 

Picolellis^ Grove^, Niederheitmann^ et Appian Benewitz^. Le 
lecteur doit être désormais édifié sur la valeur des documents 
qui ont servi jusqu'à ce jour à nous faire connaître la vie de 
Gaspard Duiffoproucart. Certes, nous ne sommes pas en pré- 
sence du seul cas où la solution d'un problème historique est 
restée indéfiniment suspendue, parce qu'une légende lancée 
dans la circulation a été acceptée sans contrôle, et s'est for- 
tifiée par sa simple répétition au point de barrer la voie à toute 
investigation qui risquerait de la compromettre ; mais il est 
plus rare de constater une pareille obstination dans l'erreur, 
lorsqu'on est en possession d'un document doué d'une valeur 
assez explicite pour dissiper à lui seul toute équivoque. Or, 
le portrait de Duiffoproucart par Wœiriot, connu depuis le 
commencement du siècle, cité à chaque instant, présente 
au plus haut point ce caractère ; nous ne croyons pas 
exagérer son importance en prétendant que son étude ana- 
lytique équivaut à la lecture d'une biographie du modèle. 

On en connaît deux états, mais nous nous contenterons 
pour notre thèse de décrire l'exemplaire de la Bibliothèque 
nationale de Paris, que nous reproduisons en tête de cette 
étude ^. Haut de 191 millimètres, large de i34, il représente 
à mi-corps et regardant à gauche, un homme dans la force 
de l'âge, aux traits nobles et énergiques ; le front est décou- 



*■ Luttai antichi e moderni, i885. 

^ A Dictionary ofmusic and musicians, art. Vioun, 4° vol., 1890. 

^ Çremona, 2® édit., 1884. 

■* Die Geige, der Geigenhau und die Bogenverfertigung ^ Weiniar, 
1892. 

^ Cette gravure (Bibl. nat., Cab. des Estampes, série IV, 2) a été 
reproduite en héliogravure pour notre travail avec une fidélité mathé- 
matique (sauf une réduction d'un huitième), qui donne à ce docu- 
ment une valeur bien supérieure aux portraits de Duifi'oproucart 
publiés par Chouquet, A. Vidal, A. Jacquot, etc. 



l6 LES LUTHIERS LYONNAIS AU XVf SIÈCLE 

vert, les cheveux ras, une longue barbe de teinte claire lui 
descend en deux flocons sur la poitrine. Vêtu d'un costume 
riche dont on aperçoit un pourpoint fait d'une étoffe au 
dessin élégant, une sorte de dalma tique moins foncée, et un 
col et des manchettes élégamment plissés, il tient de la main 
droite un long compas entr'ouvert, et de la gauche le manche 
d'un luth à peine dégrossi ; il s'apprête à le mesurer, et, le 
regard dirigé vers le ciel, a l'air de réfléchir sur les propor- 
tions qu'il donnera à son œuvre. 

Le fond de la gravure semble indiquer que le modèle a 
posé en plein air. Sa tête est surmontée d'une couronne de 
laurier au centre de laquelle est inscrite la marque ^, et qui 
paraît soutenue de chaque côté par des mains invisibles qu'on 
devine derrière des nuages. Devant l'artiste, sont étalés, 
dans un désordre pittoresque, les instruments suivants : 

i^ Une petite guitare à huit cordes, dont le manche se 
recourbe en avant et figure une tête de chien ; 

1^ Un luth à onze ou douze cordes, de la même dimension 
que celui que tient l'artiste, mais complètement achevé ; 

3° Un autre luth dont on n'aperçoit que le dos et une 
partie du manche ; 

4*^ et 5*^ Deux autres luths vus par leur extrémité inférieure, 
sur laquelle est inscrite la marque ^. 

6° Un étui à luth entr'ouvert et laissant voir l'instrument 
qui le remplit; 

7° Une petite harpe à 12 cordes, dont le haut de la caisse 
de résonance porte la marque déjà citée ; 

8° Une viole à 4 cordes, de petit modèle, aux tables plates, 
aux ouïes en formes de C, au manche en volute quadran- 
gulaire, au-dessus et au-dessous de laquelle on distingue les 
extrémités de deux archets ; 

9*5 Un violon à 5 cordes, très différent de l'instrument 
précédent par la forme plus allongée de sa coupe, ses tables 



GASPARD DUIFFOPROUCART ly 

bombées, ses ouïes en S, son manche à volute toute 
moderne ; 

I o*^ Un autre instrument à archet dont on n'aperçoit qu'une 
partie ; sa coupe se rapproche de celle du violon ; il est 
monté de 8 cordes qui paraissent disposées deux par deux 
comme celles de la viole d'amour ; 

1 1'' Un petit instrument à archet à3 cordes, aux ouïes en 
S très allongées, sorte de rebec ou de gigue allemande; 

12*^ Un sistre à 6 ou 7 cordes de petites dimensions ; 

On aperçoit en outre, dans tous les vides laissés entre les 
instruments que nous venons de décrire, des dos de luths et 
des manches dont l'un se termine par une curieuse tête 
d'animal. 

Le bas de la gravure est occupé par une tablette à enca- 
drement élégant sur laquelle se lit l'inscription suivante : 

Gafpar Duiffoprugcar 

Vivafui infylvh^fum dura occifa securi; 
Dutn vi'xi facui, mortua dulce cano. 

y^ta. ann. 

XL ç VIll 

Si nous en détachons le signe t et le monogramme '^^s^ 
dont le premier représente la croix de Lorraine et dont le 
second se décompose en un P, un V et un B, nous aurons la 
signature de l'auteur, Pierre Wœiriot de Bouzey, sur lequel 
quelques détails biographiques doivent trouver place ici. 

Cet artiste, dont la vie et les œuvres ont été l'objet de 
travaux importants, parmi lesquels nous citerons ceux de 
Robert-Dumesnili, d'Ambroise Firmin-Didot ^ et d'A. Jac- 

^ Le Peintre-graveur français^ t. VII, 1844, 
- Notice sur Jean Leclerc et Pierre Wœiriot. 



l8 LKS LUTHIERS LYONNAIS AU XVI'' SIÈCLE 

quoi*, appartient à une vieille famille lorraine qui, dès le 
commencement du xiv*^ siècle, donnait un maïeur à la ville 
de Neufchâteau, et dans laquelle les aptitudes artistiques 
pour la sculpture, la gravure, l'orfèvrerie et l'architecture 
se sont transmises héréditairement pendant quatre généra- 
tions, du milieu du xv^ siècle au commencement du xvii''. 
C'est l'auteur du portrait de DuifFoproucart qui a laissé la 
trace la plus profonde comme graveur et comme orfèvre. Il 
portait le titre de seigneur de Bouzey, et, à partir de i56i , a 
signé plusieurs œuvres du monogramme qui réunissait les 
initiales de son nom familial et de son nom nobiliaire. 

Il fut attiré dès sa jeunesse à Lyon par les ressources 
exceptionnelles qu'offraient alors aux graveurs les illustra- 
tions intercalées dans les livres célèbres de nos imprimeurs, 
et ne tarda pas à s'y faire une place à côté des Petit- 
Bernard, des Cruche, et de bien d'autres artistes de talent. 
Son nom reste attaché à plus d'une publication célèbre de 
la seconde moitié du xvi^ siècle, et les portraits, destinés 
ou non à y être intercalés, pour lesquels il a pris des 
modèles habitant notre ville et notre région, pourraient 
fournir les éléments d'une petite galerie de célébrités lyon- 
naises : nous y trouverions Louise Labé, la Belle Cordière, 
Barthélémy Aneau, régent du collège de la Trinité, Geor- 
gette de Montenay, femme de lettres dauphinoise, Michel 
Nostradamus, médecin astrologue qui a souvent résidé à 
Lyon, Jean Calvin. 

On peut déjà présumer d'après cela que Wœiriot s'est 
trouvé mêlé assez intimement à la vie de notre cité : une 
preuve plus convaincante nous en est fournie, à défaut de 
nos archives locales jusqu'à présent muettes à son égard, par 
le curieux ouvrage, intitulé Pinax iconicus, dont la biblio- 

' Les Wiriot-Wœiriot, v. plus haut note 3 de la p. 14. 



GASPARD DUIFFOniOUCART I Q 

ihèqiie de la ville de Lyon possède un exemplaire*. Ce pclil 
livre se compose essentiellement de neuf planches représen- 
tant les divers modes de sépulture usités chez les peuples 
anciens et d'un texte latin emprunté presque littéralement à 
Lilius Grégorius. Il débute par une dédicace de P. Wœiriot 
au duc de Lorraine, dédicace datée de Lyon, dans laquelle 
il déclare avoir procédé lui-même, pour la composition et 
l'édition du présent ouvrage à toutes les opérations, dont 
plusieurs ne se comprennent guère que faites sur place ^. La 
cinquième planche du recueil porte un commentaire encore 
plus explicite : nous ne sommes pas peu surpris d'y voir 
notre quai Saint-Antoine servir de théâtre à une scène de 
funérailles chez les Hérules, et le plan du fond de la gravure 
constitué par un panorama de la colline de Fourvière avec les 
églises et les autres édifices qui s'étagent sur ses flancs et 
autour de sa base. Le texte explique que Wœiriot, qui 
habitait Lyon (^L«^(/f/;ii inclyfam civitatem quam tune inha- 
bifahat)a.u moment où il a composé cette œuvre, a pris cette 
vue de la colline oîi est situé le château de Béchevelin (ex 
suburbano Becovillani castelli colliculo). La légende des 
deux planches suivantes indique la reproduction de deux 
autres habitations des environs de Lyon, le château de la 
Motte et la ferme de la Férandière. Il nous semble aussi 



* Pinax iconicus anliqiwrum ac variorum in sepulluris riluum ex 
Lilio Grec/orio excerpla, picturis juxla hypocjraphas exacla arte 
elahoralis effigiata : ad animorum iitilem cognitionem., oculorum 
jucundam inspectionem et operosam manus artificis imitationem ; 
in-8 oblong imprimé à Lyon eu i556, chez Clément Baldin. 

^ Quas equidem ego in aère fudi et expolii ; expolitas imaginum li- 
neamentis ad monogrammes usquè, quàm fieri potuit speciosissimè 
depinxi, juxtà Literariœ descriptionis argumentum ; deindè sic delinea- 
tas scalpello ac cœlo exaravi : deniquè exaratas preli tormento, et en- 
causti atramento excudi,etin publicam lucem sub clarissimo nomine 
tuo edidi. 



20 LES LUTHIERS LYONNAIS AU XYI*" SIECLE 

qu'un coin de la neuvième planche, où sont représentées des 
ruines d'aqueducs, éveille le souvenir des bords de l'Yseron. 
Enfin n'oublions pas, avant de fermer ce livre, de signaler 
la gravure qui en constitue le frontispice ; c'est le portrait 
de l'auteur, représenté comme un jeune homme presque 
imberbe, et désigné par l'inscription suivante : Petrus 
Wœirlot lotaringus has faciehat eiconas eu jus effigies hœc 
est anno suse œtatis '24. Le rapprochement de cet âge avec 
la date de i556, qui est celle de l'édition du Pinax iconicus 
et que Robert-Dumesnil signale sur un autre état de la 
même gravure, permet de fixer la naissance de l'artiste en 
i53i ou i532. 

D'autre part, nous croyons qu'il est rationnel d'admettre, 
avec M. Jacquot, que le séjour de Wœiriot à Lyon s'est 
prolongé jusqu'en iSyS, tout en reconnaissant qu'il a été 
interrompu par plusieurs voyages, en particulier en Lor- 
raine. 

Ce portrait de DuifFoproucart, très remarquable d'une 
manière absolue, occupe dans l'œuvre de Wœiriot un rang 
exceptionnel. Il le doit non seulement à ses dimensions, mais 
aussi et surtout au mélange de vigueur et de souplesse dont 
l'artiste a rarement donné un exemple aussi complet. Nous 
avons étudié comparativement, au cabinet des Estampes de la 
Bibliothèque Nationale et ailleurs, la plus grande partie des 
portraits dus au graveur lorrain et n'en connaissons pas qui 
égale celui de notre luthier. Son rapprochement avec celui 
de Louise Labé, daté de i555, et que M. Félix Desvernay a 
bien fait connaître aux amateurs lyonnais*, est particulière- 
ment instructif et témoigne des progrès énormes faits dans 
l'intervalle des sept années qui séparent les deux œuvres. 

^ Note au sujet de deux portraits de Louise Labé, dite la Belle Cor- 
dière, Lyon, 1887, 



GASPARD DUIFFOPROUCART 2 1 

Les vêtemenis et la barbe de DuiffoproucarL sont traités 
avec une souplesse et une entente des effets de lumière 
dont on ne peut avoir une idée devant les plis rigides de la 
robe et le dessin grossier des cheveux de la Ï3clle Gordière. 
Signalons enfin une qualité qui acquiert pour nous une 
importance spéciale : c'est le soin, la netteté, je dirai même 
la perfection avec laquelle sont reproduits les instruments 
dont le luthier est entouré. Grâce à cette particularité, la 
gravure de Wœiriot acquiert la valeur d'un document de 
premier ordre pour l'histoire de la musique instrumentale. 

Si jamais portrait a eu un caractère professionnel précis, 
c'est bien celui que nous analysons, et l'on a peine à supposer 
qu'un doute ait pu être émis sur la question de savoir si c'est 
un luthier qu'il représente. Duplessis Ta fait pourtant * , et pré- 
tend que Wœiriot a gravé les traits de Gaspard Diffenplugar, 
bourgeois suisse quia joué en iSyi un rôle politique impor- 
tant à Lucerne, lorsque le maréchal de Vieilleville s'y rendit 
pour négocier le renouvellement du traité d'alliance entre 
la France et les Treize Gantons^. Nous reconnaissons, entre 
le personnage en question et celui du modèle de Wœiriot, 
une analogie de nom que le peu de fixité de l'orthographe au 
xvi*^ siècle permet même de qualifier de similitude ; il est 
aussi à remarquer que, d'après la source qui signale le bour- 
geois de Lucerne, il aurait fréquenté les foires de Lyon avant 
de se fixer en Suisse. Mais nous ne pouvons voir en lui 
qu'un homonyme et peut-être un parent de notre luthier, ce 
dont nous donnerons plus loin des preuves décisives. 

A côté du nom de Gaspard Duiffoprugcar, de sa devise 



* Tome IX du Peintre-graveur. 

~ Mémoires du maréchal de Vieilleville, par Carloix, chap. xxii, 
m tome XXVIII de la Collection des mémoires relatifs à l'histoire de 
France, publiée par Petitol ; Paris, 1822. 

H. c. g 



11 LES LUTHIERS LYONNAIS AU XVl'= SIÈCLE 

rédigée en un distique d'une élégante latinité et de la marque 
dont il signait ses instruments, l'œuvre de Wœiriot nous 
fournit la date de sa naissance avec une évidence qu'on 
s'étonne de ne pas avoir vue plus généralement reconnue 
jusqu'à présent. Le rapprochement des deux indications : 
œta. anno XLVIII ei i56'"2 ne peut s'expliquer qu'en admet- 
tant, avec Gerber et Mendel, que Duiffoproucart avait 
quarante-huit ans en i562, année oîi son portrait a été 
gravé, et par conséquent qu'il était né en i5i4- Cette inter- 
prétation est conforme à celle des inscriptions qu'on ren- 
contre souvent sur des œuvres similaires, en particulier chez 
Wœiriot ; c'est ainsi qu'il faisait, la même année que celui 
de notre luthier, le portrait de Michel Nostradamus, au bas 
duquel il inscrivait aeta. anno LVIII et 156^2 ; or, nous 
savons d'autre part que le célèbre astrologue est né à Saint- 
Rémy en i5o3, date qui vient confirmer notre thèse, en 
tenant compte d'une marge de deux ou trois ans nécessaire 
à admettre dans ces sortes de calculs, à cause de l'ignorance 
réelle ou feinte des modèles. Et, de fait, quelle autre signifi- 
cation donner aux chiffres du portrait de Duiffoproucart? 
Nous n'en voyons qu\me seule, consistant à supposer que, 
contrairement àFusage, le graveur a voulu mentionner son 
propre âge : or, cette hypothèse se trouve réfutée par la 
légende du portrait-frontispice du Pinax iconicus. 

En résumé, la gravure de Wœiriot nous apprend à elle 
seule que Gaspard DuifFoprugcar a été un luthier éminent 
et qu'il est né vers l'année i5i4. Elle nous renseigne sur les 
caractères des instruments qu'il a fabriqués, sur la marque 
dont il les signait et sur sa devise. De plus, elle nous permet 
de supposer avec une très grande vraisemblance que cet 
artiste habitait à Lyon en i562. Nous sommes heureux de 
pouvoir apporter ici, pour garnir ce cadre biographique, un 
assez grand nombre de documents inédits que nous avons 



GASPARD DUIFFOPROUCAUT 28 

récemment découverts dans les Arcliivcs communales, 
départementales et hospitalières de notre ville*. 

Toute trace du séjour de notre luthier à Lyon fait défaut 
jusqu'en i553. Mais, à partir de cette date, les registres des 
entrées de vin au port du Temple nous le signalent à inter- 
valles rapprochés et presque périodiques. Le 28 novembre 
i553, « Gaspard Duiffobrocard allemand «paye 9 livres pour 
l'entrée de six bottes de vin ^. Le 4 novembre i555, même 
recette perçue du même personnage dont le nom est cette 
fois écrit « Duiffoprougar » ^. Nous croyons également que 
c'est lui qui acquitte, au même port, les droits de 3 livres et 
de 5 livres 5 sols pour quatre et sept poinçons aux dates du 
17 octobre et du 6 novembre i556 sous la désignation de 
« M^ Gaspard allemand » , et ceux de 5 livres i o sols pour 
dix poinçons à la date du 2.5 novembre iSSy sous les désigna- 
tions de Gaspard « Dubrocard » et « Brocard* ». Enfin, le 
3o novembre i558, 6 livres 5 sols sont encore perçues aux 
dépens de Gaspard Duiffobrocard pour l'entrée de quinze 
poinçons "'. Il n'est pas inutile de faire remarquer que les 
sommes payées ainsi par notre artiste figurent parmi les plus 
élevées de ces registres, et par conséquent sont en rapport 
avec le budget d'un train de maison important. 



^ Nous nous faisons ici un devoir de remercier pour leur précieuse 
collaboration MM. G. Guigue et Breghot du Lut, archivistes en chef 
du département et des hôpitaux, et de reconnaître Tinfatigable com- 
plaisance montrée à notre égard par M. Favier, chef de bureau chargé 
de la direction des Archives de la ville. 

^ Aixhives de la ville de Lyon,CC his (série composée de pièces de 
finances non inventoriées), i4i. 

^ Archives de la ville de Lyon, CG Jjis, i58. 

''' Archives de la ville de Lyon, CC his^ 167 et 177. 

^ Archives de la ville de Lyon, GG his^ 180. 



24 LES LUTHIERS LYONNAIS AU XVI' SIÈCLE 

Nous apprenons, par un de ces recensements de pennona- 
ges qui vont se multiplier d'année en année dans la seconde 
moitié du xvi" siècle, que a Gaspard Dufourbourcar » logeait 
à cette époque dans un quartier compris entre l'église des 
Gordeliers et les rues Grenette et Dubois *. Son nom est im- 
médiatement suivi de celui de « Valoys Doly, son gendre ». 
Il est à remarquer que la profession musicale a fourni à ce 
pennonage un nombre exceptionnel de représentants : car 
notre luthier y est en compagnie d'un confrère, Benoît 
Lejeune, d'un organiste, Jacques A'^olet, d'un « violeur», 
Tristan Droin, et de deux « taborineurs », Benoît Alix et 
Claude Gardillar. 

S'il pouvait subsister un doute sur l'identité profession- 
nelle du personnage en question, il suffirait, pour le dissiper, 
de lire deux actes notariés passés le 28 février et le 10 juin 
i556 devant Etienne de Mondidier, notaire royal à Lyon, et 
dont nous avons retrouvé, au greffe de la ville, les copies 
d'enregistrement datées du 14 juillet de la même année ^. Il 
s'agit de deux contrats de vente portant sur cinq parcelles 
dites « pies » d'une vigne située à la côte Saint- Sébastien et 
faisant partie de la succession de Geoffroy Baronnat. L'ac- 
quéreur est « Gaspard Duyfautbocard, marchand allemand, 
faiseur de luz^ demourant audict Lion », qui débourse de ce 



* Archives de la ville de I-^yon, EE « Establies du cousté du Rosne 
faictes en rannée i557 ». Voici comment ce document délimite le 
pennonage habité par DuilToproucart : « Depuis le grand portai des 
Gordeliers tirant par la gran rue de la Grenette jusqu'au coing de Tes- 
trapade entrant par la mette de la rue Dubois tirant depuis ladicte 
mette par ladicte rue Dubois dung costé et dautre à la maison du sieur 
Michiel Dubois mareschal etdillec à la porte des Gordeliers devers le 
soir (au midi) seulement. » 

^ Archives de la ville de Lyon, T^F : « Doulsiesme volume et registre 
des aliénacions présentées au greffe des insinuacions de la ville, pais et 
séneschaussée de Lyon », fol. 120 etsuiv. 



GASPARD DUIFFOPROUCART 25 

fait la somme, 1res respectable pour l'époque, de 53o livres. 
Un autre document vient bientôt après resserrer les liens 
qui rattachent l'artiste à notre ville, c'est l'acte intitulé 
(( Lettres de naturalité pour Gaspard Dieirenbruger », donné 
par Henri II à Paris en janvier i558 (vieux style), enregistré 
à la cour des comptes le 3 février suivant, et à Lyon, le 6 juin 
i55g, dans un volume conservé à nos archives départemen- 
tales où nous en avons pris connaissance * : voici le début de 
ces lettres dont le reste ne se compose que de formules sans 
intérêt : 

« Henri par la grâce de Dieu, roy de France, à tous pré- 
sents et advenir, salut. Scavoir faisons nous avoir receu hum- 
ble supplicacion de nostre cher et bien amé Caspar Dieffen- 
bruger, alleman, faiseur de lutz, natif de Fressin, ville 
impérialle en Allemaigne, contenant qu'il y a ja longtemps 
qu'il a laissé ledict lieu de sa nativité pour venir se habiter 
en nostre ville de Lyon où il est à présent résidant avec 
ferme et entière délibéracion de y vivre et finir ses jours 
soulz nostre obéissance et comme notre vrai et naturel sub- 
jest si nostre bon plaisir est pour tel tenir et recepvoir... » 

Nous sommes fixés par ce préambule sur le lieu de nais- 
sance de Duiffoproucart : Fressin, ville impériale d'Allema- 
gne, ne peut être que Freising, chef-lieu de district de la 
Haute-Bavière, localité située sur le bord del'Isar, à 3o kilo- 
mètres au nord-est de Munich. C'était au xvi^ siècle une 
ville épiscopale assez importante, dont l'évêque devint, au 
siècle suivant, chef d'une principauté ecclésiastique comme 
son voisin, l'archevêque de Salzbourg; mais on ne connaît 



* Archives départementales du Rhône, B, Livre du roi^ fol 43.2 et 
suiv., i532-i559. 



2.6 LES LUTHIERS LYONNAIS AU XVl" SIECLE 

rien de particulier sur son liisLoire artistique. L'opinion de 
Wasielewski, qui assignait à Duiffoproucart une origine 
bavaroise et non tyrolienne, comme la plupart des auteurs, 
se trouve ainsi définitivement confirmée. 

En résumé, tout indique dans les documents précédents 
que, dans les premières années de la deuxième moitié du 
xvi^ siècle, Gaspard Duiffoproucart était fixé à Lyon, y 
exerçait la profession de luthier, et y occupait une situation 
sinon riche, du moins aisée. Nous démontrons plus loin 
qu'il était marié, père de famille, et que ses moyens lui 
avaient permis de se faire construire sur son terrain de la 
côte Saint-Sébastien une maison importante avec cour et 
jardin oii il avait transporté son habitation. Ne peut-on pas 
supposer qu'il a voulu à cette occasion appeler par l'aumône 
le bonheur sur son toit ? Nous trouvons en effet consignée 
dans les recettes du recteur-trésorier de la Charité pour les 
années i56o et i56i, au chapitre des a cas inopinés tant 
argent bledz que vin », une aumône de 2 livres 8 sols tournois 
faite par « M" Gaspard laleman, faiseur d'instruments de mu- 
sique », personnage que nous croyons être Duiffoproucart ^ 
Mais au moment où Wœiriot consacrait son ère de prospérité 
et de renommée en en gravant le témoignage éclatant qui 
est parvenu jusqu'à nous, on préparait, dans une sphère poli- 
tique trop élevée pour ne pas échapper aux prévisions de 
l'artiste, un événement qui allait entraîner pour lui les con- 
séquences les plus désastreuses et assombrir la fin de sa vie. 

Déjà les rois de France avaient à plusieurs reprises cher- 
ché à tenir en échec l'esprit indépendant des bourgeois de 
Lyon parla construction d'une citadelle; cette idée, que 
François P'' faillit réaliser, fut étudiée à nouveau dans 

^ Archives de l'hospice de la Charité de Lyon, E, 170. 



GASPARD DUIFFOFROUCARD 27 

le Conseil de Charles IX, et la surprise de Lyon par les pro- 
testants, en i562, servit de raison, d'aucuns diront de pré- 
texte, pour sa mise à exécution immédiate. On choisit pour 
son emplacement un point de la colline de la Croix-Rousse 
qui n'est pas exactement connu, malgré les discussions dont 
cette question a été plusieurs fois l'objet *. Nous savons seu- 
lement que cet édifice était situé sur la côte Saint-Sébastien, 
dénomination sous laquelle on comprenait au xvi^ siècle, 
non seulement la rue qui a conservé ce nom, mais aussi une 
autre voie qui partait de la porte Saint-Marcel et suivait 
approximativement le trajet de la Grande-Côte actuelle. 

Des immeubles assez nombreux durent être expropriés; 
un premier lot fut estimé Si.SgS livres lo sols, somme dont 
on paya environ le tiers en capital, l'indemnité du reste étant 
constituée par des rentes sur la recette de Lyon, et la cita- 
delle fut bâtie en i564. Mais on reconnut bientôt que de 
nouvelles démolitions étaient nécessaires, et entre autres 
celle de l'immeuble de DuifPoproucart qui était situé dans 
le fossé de la citadelle, à ce que nous apprend le dossier 
des Archives de la ville où nous puisons tous les détails de 
cet épisode de la vie de notre luthier ^. La maison fut rasée 



^ Voix', entre autres, deux articles parus en 1829 et i83o dans les 
Archives historiques et statistiques du département du Rhône. 

^ Archives de la ville de Lyon, EE, GhappelV, p. 343 etsuiv., art. 8 
(citadelle et chapelle Saint-Sébastien) ; le dossier de la maison de Duif- 
foproucard comprend les pièces suivantes : 1° Co^^ie de lettres patentes 
du roi Charles IX (voir pièce justificative I) ; 2° « coppie communi- 
quée par dame Marguerite Defaubrocard demanderesse pour les sieurs 
prévost des marchands eteschevins de Lyon le XI may 1606 » ; 3° « re- 
queste pour dame Mai'guerite Defaubrocard demanderesse contre les 
sieurs prévost des marchands et eschevins de la ville de Lyon, le VIII may 
1606, à Mons^"" Messire de Refuge, conseiller du roy et maistre des 
requestes en son conseil privé et destat, lui présidant en la justice et 
police de Lyon, pays de Lyonnois, Forestz, Beaujolois et Masconnois. » 



28 LES LUÏIIIEÎIS LYONNAIS AU XVl''" SIÈCLE 

en i566, et tous les matériaux provenant de sa démolition, 
(( boys, pierre, thuilles et aultres, » servirent à la fin de la 
construclion de la forteresse. Ce terrain et l'immeuble 
représentaient tout le patrimoine et toutes les économies de 
l'artiste, nous apprend un document qui nous fixe encore 
mieux sur son importance par la somme de 9245 livres 
i4 sois 4 deniers, qui fut déclarée représenter sa valeur 
minimum après deux expertises faites par les ingénieurs du 
roi ; il faudrait au moins quintupler ce chiffre pour arriver 
aujourd'hui à cette estimation. 

Malgré des démarches entreprises dès le début des opé- 
rations d'expropriation, Duiffoproucart ne reçut aucune 
indemnité : c'était la ruine complète, et il avait une femme 
et quatre enfants. La Charité se souvint alors probablement 
qu'il n'avait pas oublié ses pauvres dans les jours heureux. 
Nous apprenons en effet cjue, dans les visites faites par les 
recteurs de l'Aumône générale à la prison de Roanne pen- 
dant la semaine sainte de iSôy, ils y trouvèrent un velou- 
tier, Benoît Zacharie, détenu pour dettes envers deux créan- 
ciers, et le firent élargir après avoir payé, les 29 avril et 

1 1 mai de cette année, 6 livres à Ennemond Bizot, et 9 livres 

12 sols « à Gaspard Dutfontbrocguard, faiseur de leutz, et à 
Barbe Homeau sa femme * ». 

Peu après notre artiste mourait dans la misère et les dettes. 
L'Etat civil de Lyon, si incomplet pour cette époque, est muet 
sur le lieu et la date de son décès, mais nous possédons des 
données qui nous permettent d'y suppléer jusqu'à un cer- 
tain point. En effet, Duiffoproucard était mort le 16 dé- 
cembre iSyi, date de lettres patentes royales le concer- 
nant sur lesquelles nous allons revenir; le texte même de ce 
document, qui parle de démarches judiciaires faites par ses 

* Archives de l'hospice de la Charité de Lyon, E, 174. 



GASPARD DUIFFOPROUGART 29 

héritiers, démontre qu'il avait succombé quelques mois au 
moins auparavant. D'autre part, nous retrouvons encore son 
nom sous les formes de Gaspard a DilTobrical », « DifFobri- 
card » et « Desfobrical », avec mention de sa nationalité 
allemande, dans trois rôles de cotisations pour les années 
iSyi et 1572 ', ce qui permet de penser que sa mort était 
encore à ces dates récente et peu connue en dehors de son 
voisinage. Nous croyons donc être très près de la vérité en 
regardant l'année iSyo comme celle de sa mort. En outre, 
les rôles que nous venons de citer nous apprennent qu'il 
s'était retiré après la démolition de sa maison, et a dû finir 
ses jours dans le pennonage de Henrj Touchard, qui, 
d'après une Establie de i568, correspondait à peu près au 
quartier actuel de la Martinière ^; nous pouvons en con- 
clure qu'il a été inhumé dans le cimetière de l'église Saint- 
Vincent. 

Le roi Charles IX répara une trop longue injustice en assi- 
gnant à ses héritiers une rente annuelle et perpétuelle, jus- 
qu'au remboursement du capital d'estimation de l'immeuble, 
de 462 livres 5 sols 5 deniers, soit cinq pour cent d'intérêt, 
à prendre sur la recette générale de Lyon. Les lettres pa- 



^ Archives de la ville de Lyon, GG, 102, i53 et i54. 

' Archives delà ville de Lyon, EE « Establies de la ville de Lyon 
faites au moisd'aoust i568 tantducosté de Fourvières que du Rosne »; 
voici les limites du pennonage d'Henry Touchard : « Despuis les mai- 
sons qui furent de feu Glaude Agnin, appartenant à Rolin Grosset 
poctier d'estain, tirant le long des maisons et des grands fossés de la 
lanterne au carré de la maison de la Croix blanche appartenant à 
M'' Jacques Roy, cirurgien,et à sa femme, tirant par devers Saincte- 
Gatherine jusques à la maison du grand Forestz appartenant à M. de 
Montmartin, retornant à la fontaine Sainct Marcel tirant à la Déserte 
et à la rue nouvelle des Carmes et despuys le piastre de la lanterne 
jusques au petit portai des Augustins au devant la grande bocherie. » 



3o LES LUTHIERS LYONNAIS AU XVl'' SIECLE 

tentes qui constituent ce titre et qui sont datées d'Amboise, 
le 1 6 décembre iSyi, ordonnaient que le premier des termes 
trimestriels de la rente partirait du i"' janvier suivant; mais 
entre la lettre royale et les actes d'enregistrement et autres 
qui en étaient les corollaires forcés, près d'une année devait 
s'écouler. Ces intérêts furent-ils payés exactement au milieu 
du désordre financier qui allait s'aggraver d'année en année 
jusqu'à la réorganisation de Henri IV et de Sully? La chose 
est possible pour le début, mais nous avons les preuves du 
contraire à partir de i585. A cette date, le consulat de Lyon, 
constamment hanté par la pensée de la démolition de la cita- 
delle qui se dressait comme une menace perpétuelle contre 
les libertés municipales, profita adroitement des embar- 
ras pécuniaires au milieu desquels se débattait le dernier des 
Valois, et conclut avec Henri HI un traité par lequel la ville 
achetait l'autorisation de démolir la citadelle au prix d'une 
somme de 40.000 livres donnée à la Couronne, et de la prise 
à sa charge des rentes assignées aux expropriés, rentes se 
montant alors à plus de 3ooo livres par an. La ville aurait 
très mal rempli cette dernière partie de ses engagements, si 
nous en jugeons par sa conduite envers la famille de notre 
malheureux luthier; nous avons en effet retrouvé un mé- 
moire et une requête adressés en 1606 aux autorités judi- 
ciaires compétentes par « Marguerite Dufobrugard, fille de 
feu Gaspard Dufobrugard, vivant marchand aleman, demeu- 
rant audict Lyon soulz les privilèges royaulx des foires ». 
Cette personne non mariée, et par conséquent différente de 
la femme de Valois Doly, réclame au Consulat a la quarte 
partie du fort principal » de la rente annuelle constituée par 
les lettres patentes de Charles IX au profit des quatre en- 
fants du luthier ainsi que « le quart des arréraiges dicelle 
pension», ce qui permet de croire que la ville n'avait encore 
payé aucun terme de cette rente. L'absence du nom de 



GASPARD DUIFFOPROUCART 3l 

DuifFoproiicart, sur les listes des rentiers de la ville que nous 
possédons pour le xvii^ siècle, laisse même supposer que 
cette réclamation est finalement demeurée infructueuse. 

Dès i585, (( Jehan Duiffoproucart, faiseur de lutz, demeu- 
rant audict Lyon, fils et cohéritier par bénéfice d'inventaire 
de M*^ Gaspard DuifFoproucart, quand vivoit aussi faiseur de 
lutz demeurant audict Lyon » avait tiré parti de la succession 
hasardeuse de son père, en faisant abandon à M^ Jullien 
Viard, garde et munitionnaire de la ville de Lyon, pour 
« bons et agréables services », très probablement d'ordre 
pécuniaire, de ses droits sur le terrain de la maison pater- 
nelle*. Nous donnons ici le fac-similé de la signature auto- 
graphe du donateur, d'après les minutes originales de l'acte 
dressé à cette occasion. 

Ce Jullien Viard possédait, outre cette donation, des droits 
analogues provenant de la démolition de deux maisons voi- 
sines, dont l'une avait appartenu à son père. Il sut en tirer 
parti pour obtenir, en iSgS, une cession importante de ter- 
rains de la ville qui voulait tracer des rues sur l'emplace- 
ment de la citadelle. Les pièces relatives à ce contrat^ nous 
fournissent les noms de deux proches voisins de Gaspard 
Duiffoproucart pendant son séjour à la côte Saint-Sébastien : 
c'étaient Nicolas Viard, chirurgien, et Humbert Chanot, 
tisserand. 

Nous sommes désormais fixés sur les deux étapes extrêmes 



^ Voir pièce justificative II. 

- Archives de la ville de Lyon, EE, Ghappe IV, p. 862, n° 3i. 



32 LES LUTHIERS LYONNAIS AU XVl" SIÈCLE 

de la vie de Gaspard Duifïbproucart et savons que, né vers 
i5i4 dans la ville bavaroise de Freising, il est mort à Lyon 
vers 1 570, après y avoir séjourné au moins dix-sept ou 
dix-huit ans. Rien ne nous démontre qu'il faille cherclier 
pour lui, en dehors de ces deux centres, autre chose que 
les traces de passages transitoires. Suivant les plus grandes 
probabilités, sa jeunesse a été employée à faire son édu- 
cation professionnelle dans une ou plusieurs de ces an- 
ciennes écoles de lutherie de la Basse- Allemagne dont l'his- 
toire est encore enveloppée d\me obscurité profonde, puis 
il s'est acheminé directement vers le sud-ouest, attiré comme 
bien d'autres de ses compatriotes par la réputation des 
foires trimestrielles de Lyon, et s'est fixé chez nous. Il est in- 
téressant de faire à ce propos la remarque suivante : dans les 
pièces officielles assez nombreuses qui réglementent les privi- 
lèges des marchands allemands aux foires de Lyon pour le 
milieu du xvi^ siècle, pièces dont on retrouve l'enregistrement 
dans les Archives départementales du Rhône, les villes qui 
sont constamment désignées comme principaux lieux d'ori- 
gine de ces négociants sont Nuremberg, Ulm, Augsbourg, 
Constance, Nordlingen et Meiningen, ce qui indique l'exis- 
tence d'un courant d'émigrants qui affluait à Lyon de tous les 
points de la Souabe et de la Bavière, c'est-à-dire d'une région 
à laquelle Freising appartient géographiquement. Peut-être 
notre luthier et le bourgeois de Lucerne, son homonyme, 
ont-ils fait route ensemble jusqu'à Lyon^, et se sont-ils séparés 
pour implanter l'un en France, l'autre en Suisse, deux bran- 
ches d'une même famille. 

Le texte des lettres de naturalisation de DuifToproucart 
est également en faveur de notre manière de voir. Elles nous 
disent qu'en 1 558 il avait depuis longtemps quitté sa ville 
natale pour venir habiter Lyon, mais ne font mention 
d'aucun séjour intermédiaire; un acte officiel de cette nature 



GASPARD DUIFF.)PROUCART 33 

aurai L-il passé sous silence le fait d'une résidence dans d'au- 
tres localités françaises, et, pour en revenir une dernière 
fois à la version biographique de Roquefort, n'y trouverions- 
nous pas une allusion aux années passées à Paris par le 
luthier de la Chapelle royale? La chose est bien inadmissi- 
ble, et nous avons cherché en vain les preuves du contraire, 
soit dans les dépenses secrètes de François I"' entre les 
années i53o et i538 que le marquis Léon de Laborde a 
publiées*, soit dans les listes d'officiers et de domestiques 
pendant les diverses périodes de ce règne que nous four- 
nissent plusieurs manuscrits de la Bibliothèque nationale^. 
Le nom de Duiffoproucart fait défaut parmi ceux des musi- 
ciens qui se rencontrent en grand nombre dans ces divers 
documents. 

Nous attendrons également d'autres preuves que celles 
que nous possédons, avant d'admettre une période italienne 
dans la vie de notre luthier. Il est déjà singulier qu'un artiste 
de renommée établi à Bologne ne soit signalé nulle part 
comme fournisseur de ces petites cours fastueuses qui 
précisément à cette époque multipliaient leurs résidences 
dans tout le nord de la Péninsule et n'avaient garde d'oublier 
les instruments de musique, surtout à cordes, dans la consti- 
tution de leur mobilier. L'absence du nom de Duiffoproucart 
dans les Archives de Mantoue, dont le dépouillement musical 



^ Les comptes des bîdimenls du roi (1528-71), t. II, p. 199 et suiv., 
ext. des Archives nationales, carions J, 960, 961 et 962. 

"^ Bihl. nat. Man. fonds français, jSot. et suivants. Voir, en parti- 
culier^ le manuscrit intitulé « Roolle et état des seigneurs, cardinaux, 
archevesques, evesques, princes, chevaliers, pairs de France, officiers, 
domestiques du feu roy François P"" et de feu monseigneur le duc d'Or- 
léans auxquels a esté fait délivrance de draps de deuil aux funérailles 
de François I*"". » 



34 LES LUTHIERS LYO>;NAïS AU XVI' SIÈCLE 

fait parCanale^et A. BerioloLti^ témoigne, dès le xvi^ siècle, 
d'une véritable passion de la maison de Gonzague pour les 
pièces de lutherie, cette absence, dis-je, a quelque chose de 
significatif dans l'espèce. Aussi, à défaut de documents écrits, 
a-t-on tenté de démontrer les rapports de DuifFoproucart avec 
l'Italie par le caractère des instruments qu'on lui attribue. 
Ceci nous conduit à l'étude des œuvres de cet artiste, sujet 
dont nous avons fait abstraction jusqu'ici pour mieux 
en serrer la discussion en l'isolant de nos autres documents. 



Roquefort est, croyons-nous, le premier qui ait signalé 
des instruments de Duiffoproucart. Son article biographique 
décrit trois pièces dont deux sont restées inconnues depuis 
lui, mais dont la troisième est une basse de viole devenue 
célèbre dans l'histoire de la lutherie. Quelques années après, 
J.-B. Vuillaume imprimait à Paris un puissant essor à la 
fabrication des instruments à archet, et jetait les bases de la 
prospérité commerciale de sa maison. Or, on sait que, dési- 
reux de répondre à l'engouement commençant des amateurs 
pour les œuvres des luthiers des siècles antérieurs, il éleva 
leur contrefaçon à la hauteur d'un système et jeta sur le 
marché une quantité considérable de violons imités à s'y 
méprendre, y compris la signature^ des productions des 
vieilles écoles italiennes. Vidal, très au courant de son 
histoire industrielle, nous apprend qu'en 1827 il eut 
l'idée d'imiter un instrument de DuifFoproucart, très pro- 
bablement la basse de viole de Roquefort dont il devait 
plus tard faire l'acquisition ; cet auteur ajoute que sa réussite 



^ Délia musica in Manfova^ nollzie traite principalniente dalFAr- 
chivio Gonzaga; Venise, 1881. 

' Musici alla corle dei Gonzac/a in Mantova clal secolo xv a/xviii. 



GASPARD DUIFFOPROUCART 35 

l'encouragea à la récidive et que, de ce fait, les violons et 
les violoncelles fabriqués dans le style marqueté et incrusté 
qu'on a attribué à Duiffoproucart se répandirent un peu par- 
tout et furent bientôt multipliés par d'autres contrefacteurs 
français ou allemands. Ainsi peut-on s'expliquer la richesse 
relative des détails sur les spécimens du talent de notre 
luthier qu'on rencontre dans les ouvrages qui le concernent. 
Malheureusement pour l'authenticité de ces instruments, ils 
portent des pièces d'identité soigneusement adaptées aux 
dates de la biographie de Roquefort, et qu'il nous suffit dès 
lors de signaler pour les transformer en preuves d'attribu- 
tions erronées. 

Ainsi, F. Niederheitmann dresse complaisamment la liste 
des six violons authentiques qu'on possède de Duiffoprou- 
cart * : le premier, qui lui appartient, et qu'il donne comme 
le plus ancien spécimen de cet instrument, est daté de i5io. 
D'après certaines incrustations qui représentent une cou- 
ronne royale et deux F entrelacées (?) l'auteur déclare que ce 
violon a été fabriqué pour le roi François I*^', sans nous 
expliquer par quelle divination l'artiste a gratifié son client 
des attributs royaux cinq ans avant qu'il ne montât sur le 
trône. 

Le second violon, possédé par une famille d'Aix-la- 
Chapelle, est daté de i5i i ; on n'attribue à rien moins qu'à 
Léonard de Vinci une peinture à l'huile que porte une de 
ses tables. 

Le troisième, daté de i5i5, appartient au professeur 
Francalucci (de Bologne). 

Le quatrième, daté ausside 1 5 1 5,se trouve chez M. Ghanot, 
luthier à Londres. Niederheitmann croit que c'est l'instru- 
ment qui appartenait à Meertz, professeur au Conservatoire 

* Cremona, loc. cit. 



36 LES LUTHIERS LYONNAIS AU XVl' SIÈCLE 

de Bruxelles, lorsque Félis en a parlé dans sa biographie 
de Duifroproucart(i862), mais en le déclarant daté de iSSq. 
Le violon de Londres doit être, à notre avis, une copie de 
celui de Meertz, dont MM. Gcvaërtet V. Mahillon n'ont pu 
nous fournir, malgré leur compétence, aucune trace. Le 
manche des deux est sculpté en une tête de fou dans 
laquelle on n'a pas manqué de voir le portrait de Triboulet. 

Le cinquième violon, qui se trouve à Aix-la-Chapelle, 
comme les deux premiers, est daté de iSiy, et présente le 
portrait d'un auteur qui, par une particularité singulière, 
est la copie de celui que Wœiriot a gravé quarante-cinq 
ans plus tard. 

Le sixième instrument, qui appartient au prince Nicolas 
Youssoupow, de Saint-Pétersbourg, dont le manche est 
sculpté en tête de vieillard, et dont la table de fond porte un 
paysage, doit être celui que Kiesewetter et Wasielewski 
ont signalé chez Riechers, luthier à Berlin : il porte l'éti- 
quette suivante : Gaspard Duiffoprugcar Boiioniensis a. 1515. 

Nous rangerons dans la même catégorie un autre violon, 
daté de iSai, dont parle le dernier auteur que nous venons 
de citer. Enfin, nous signalerons une lyre, dite lyra da 
hraccio, appartenant à M. A. Hajdecki, magistrat à Mostar 
(Herzégovine). Cet instrument à cordes pincées, au manche 
richement c?a/??r75^wme d'or, aux coins finement dessinés, pré- 
sente un grand intérêt que son possesseur a fait ressortir dans 
une savante monographie ^ D'après ce document que 
M. Hajdecki a bien voulu nous adresser en l'accompagnant 
de photographies et de dessins, nous croyons qu'il s'agit d'une 
pièce italienne du commencement du xvi*^ siècle. Il ne perdra 
rien de sa valeur à la suppression de son étiquette, identique 



* Die ilalienische lyra, da hraccio, Mostar, 1892. 



GASrAîlD duiffophoucaut 87 

à celle du violon du prince Youssoupow : Gaspard Dui/fo- 
priic/gar lyGuonicnsis aniio 1515. 

Mais n'insistons pas sur ces instruments, dont plusieurs 
ont déjà été, de la part de G. Hart et de Vidal, l'objet de 
prudentes réserves, et concentrons notre attention sur quel- 
ques pièces plus caractéristiques qui ont le bonheur de ne 
point porter d'étiquettes aussi compromettantes, et sur les- 
quelles a été plus spécialement basée l'existence d'un style 
propre à notre luthier. On en compte généralement quatre, 
dont trois basses de viole et un violon. 

L'instrument le plus important au point de vue historique 
est certainement la basse de viole dite au plan de la ville de 
Paris., qui, après avoir appartenu à Roquefort, a passé aux 
mains d'un amateur parisien, M. Raoul, puis a été achetée 
par Yuillaume. Depuis la mort de ce dernier, elle a eu 
encore plusieurs vicissitudes, et enfin est entrée dans le riche 
musée du Conservatoire de Bruxelles, oi^i nous avons pu 
l'étudier il y a quelques mois. 

Ses dimensions sont plus petites que celles du violon- 
celle : si nous prenons pour type de ce dernier instrument 
le Stradivarius célèbre de Duport et de Franchomme, nous 
obtenons les mesures comparatives suivantes : 





Basse de Bruxelles. 


^• 


io! 


lonccUc clc S'.radiva 


Longueur totale du corps. 


70 centimètres. 






73 centimètres. 


Largeur du haut 


28 _ 1/2 






34 - 


— du milieu des C. 


22 — 






24 - 


— du bas 


38 — 






44 — 


Longueur de rouvcrlure 










des ouïes 


1 1 — 






17 — 



Actuellement, l'instrument est monté au diapason du 
violoncelle, mais n'a pas été joué suffisamment, depuis qu'il 
est à Bruxelles, pour qu'on soit fixé sur la valeur de cet 



38 LES LUTHIERS LYONNAIS AU XVl° SIECLE 

accord. Bon nonil^re d'amaieurs, enlre autres noire savant 
ami, M. Morcl de Voleine, l'ont entendu à Paris, lorsqu'il 
appartenait à M. Raoul, et ont pu juger de la douceur péné- 
trante de ses sons. Du temps de Roquefort, voici quel était 
son accord : 

U — ^^-^ 



jSI 



On est frappé tout d'abord de la richesse et de la variété 
de sa décoration. Le manche se recourbe en avant sous la 
forme d'une tête de cheval assez grossière, mais sa face pos- 
térieure est recouverte de sculptures compliquées et très 
délicates représentant une tète de femme, deux lions, un 
satyre jouant de la flûte de Pan, le tout encadré d'animaux, 
de fruits et d'instruments de musique. Le tire-corde lui- 
même est recouvert d'incrustations où sont fî^jurés, outre 
plusieurs ornements, une femme jouant du luth et un chien 
attaché par un collier. 

La table de dessus est en sapin, le fond et les éclisses sont 
en érable. La première partie est recouverte d'un vernis 
rouge mal, celui du reste de la caisse est jaune et plus bril- 
lant. Même contraste enlre le caractère des décorations des 
deux faces. 11 n'y a sur le devant que des peintures en cou- 
leur noire représentant des papillons, un bouquet de roses 
et d'œillets sortant d'un pot, des oiseaux sur une branche, et 
un bâtiment à plusieurs corps oîi l'on remarque une tour 
et une pagode chinoise : bref un décor hollandais du 
xvii*^ siècle. La face postérieure, au contraire, est couverte en 
marqueteries en bois multicolores du travail le plus compli- 
qué. Tout le haut est rempli par une scène religieuse que 
paraît avoir inspirée la vision d'Ezéchicl de Raphaël : elle 
représente un saint Luc vu de profil, assis sur un bœuf, et 



GASPARD DUIFFOPROUCAlîT 89 

s'enlevaiil clans les airs vers des nuages d'où sorleiil des Irom- 
peLles embouchées par des anges. En bas, un plan cavalier 
figure une ville considérable traversée par un fleuve parsemé 
d'îles et entourée de murailles : plus de 200 maisons mesu- 
rant à peine un centimètre carré et d'autres édifices consti- 
tuent le fond de ce décor pittoresque où circulent même 
cpielques hommes microscopiques. Une inscription porte le 
nom de Pnj^i.s et nous avons trouvé à la Bibliothèque natio- 
nale ' un plan presque identique de cette ville auquel est 
assignée la date de i564. Pour compléter la description 
de ces marqueteries, indiquons plusieurs bouquets de fleurs 
sur le pourtour des sujets principaux. 

L'instrument a dû subir des remaniements attestés par 
les traces de recoupages sur les côtés des tables et aussi 
par des tentatives pour donner la forme des // du vio- 
loncelle aux ouïes qui avaient été primitivement dessinées 
en ce comme pour les violes. Notons enfin V absence de 
toute étiquette^ monogramme ou autre marque quelconque 
pouvant se rapporter au nom du fabricant. 

Notre impression première à la vue de cette basse nous 
avait fait croire à un instrument composite dont le fond 
seul pouvait être daté rationnellement du xvi^ siècle. Nous 
avons été heureux de voir partager notre avispar M. Mahillon, 
puis par M. Chardon, luthier à Paris. Ce dernier, qui est très 
versé dans l'étude des pièces attribuées à Duifloproucart, 
possède une basse de viole qui contraste avec la précédente 
par sa pureté, tout en présentant des analogies frappantes 
avec ses parties marquetées. C'est un instrument de très 
petit modèle, dont la longueur totale du corps n'est que de 
65 centimètres, soit 5 centimètres de moins que l'instrument 
de Bruxelles. Le manche est également sculpté en tète de 

' Bibl. uat., cab. des Estampes, livre IV, 2. 



4o L:",S LUTHIERS LYONNAIS AU XVi' S'KCLE 

cheval, mais plus élégammeni, et sans autres ornemenls à 
sa face postérieure qu'une crinière peu fournie. La table 
antérieure est unie, mais le fond est garni de marqueteries 
représentant sur les côtés des bouquets de fleurs, et au 
centre le groupe d'un évangéliste et d'un ange ; de plus il 
porte la marque ^v et le distique latin viva fin., etc., inscrits 
sur la gravure de Wœiriot. 

Nous n'avons pas vu la troisième basse de viole, qui, en 
1876, appartenait, d'après Vidal, à M. de Vaziers, mais la 
gravure que Hillemaclier lui a consacrée dans l'ouvrage de ce 
dernier auteur, et des calques pris par M. Chardon nous per- 
mettent de nous en faire une idée assez exacte et de ratta- 
cher son style à celui des instruments précédents. On la 
connaît sous le nom de la basse de viole au vieillurd clans 
la chaise d'enfant, d'après un sujet italien que la marquete- 
rie a reproduit sur son fond avec d'autres ornements et le 
monogramme de l'artiste. Le manche porte une tête de che- 
val identique à celle de la basse de M. Chardon ^ 

Enhn, le musée du Conservatoire de Paris possède depuis 
peu d'années (car nous n'en trouvons pas trace dans la pre- 
mière édition du catalogue de Chouquet publiée en iSyS) 
un violon attribué à DuifToproucart . C'est un instrument 
d'une forme assez lourde, dont le patron, primitivement 
grand, a été recoupé par Chanot, mais dont les ouïes sont 
dessinées en // très pures, et dont la tête est sculptée en 
volute classique. Les deux faces sont garnies de marqueteries 



^ M. Chardon nous a dit qu'il existerait en Suisse une quatrième 
basse de viole du même style que les précédentes. I^nfin nous croyons 
épuiser dans cette étude la liste de tous les instruments attribués à 
Gaspard DuifToproucart, en signalant un luth que Niederheitmann 
(loc. cit.) indique sans détails, d'après un travail d'Ed. Schebek (de 
Prague) que nous n'avons pu nous procurer. 
N° 1 du catalogue de 1884. 



GASPAHÎ) DUIFFOPROUCART ^1 

figurant des Heurs reliées par des filets et un coq au centre 
de la table de fond. Ces ornements contrastent par leur 
grossièreté avec ceux des trois basses de viole précédentes. 
Quant à l'attribution de l'auteur, elle est indiquée par une 
profusion d'inscriptions dont la multiplicité elle-même est 
un argument contre leur authenticité et qui du reste font 
presque complètement défaut dans les calques que M. Char- 
don a pris, il y a un certain temps, de ce violon. Outre la 
marque ^ et le distique latin, nous avons sur la table du 
fond les inscriptions Gaspard Diiiffoprugcar et Lyon 15.. 
en outre, dans l'intérieur de la caisse, l'étiquette suivante, 
imprimée à la manière des luthiers italiens postérieurs : 
Gaspard Diiiffoprugcar à la cosle Saint-Sébastien à Lyon. 

Quelles que soient les réserves qu'on puisse faire sur la 
date de cette dernière inscription, elle n'en constitue pas 
moins, abstraction faite de l'instrument auquel elle est 
adaptée, une indication dont les documents biographiques 
produits plus haut démontrent l'importance. Il est pos- 
sible qu'elle soit la copie d'une étiquette semblable que 
Roquefort signale sur une basse de viole ornée de mar- 
queteries représentant le Moïse de Michel- Ange et qui paraît 
avoir disparu depuis lors *. Nous ne pourrions attribuer une 
valeur égale à une autre étiquette signalée par Vidal dans 
laquelle la coste Saint-Sébastien est remplacée par la coste 
Saint-André, point topographique au moins problématique 
à Lyon pendant le xvi^ siècle. 

Quoi qu'il en soit, les trois basses de viole que nous avons 

* Roquefort signale (loc. cit.) sur un de ses instruments une sala- 
mandre incrustée : la présence de cet emblème ne prouve nullement 
qu'il ait appartenu à f'rançois I'^''', nous l'ail observer notre savant ami, 
M. J.-B. Giraud, conservateur du Musée archéologique de la ville de 
Lyon, qui a vu des salamandres sur des armes fabriquées sous les der- 
niers \^alois. 



42 LES LUTHIERS LYONNAIS AU Xvf SlȫLE 

décrites présentent entre elles des affinités de facture suf- 
fisantes pour les attribuer au même maître et pour leur 
assigner une place à part dans l'histoire de la lutherie. Leurs 
marqueteries caractéristiques témoignent d'une habileté rare 
et d'un sentiment très vif du coloris et du pittoresque, mais 
nous ne pouvons en déduire, comme certains auteurs l'ont 
fait, que leur auteur soit un artiste italien. On sait avec quelle 
perfection le bois a été travaillé de bonne heure en Italie, et 
dès la fm du xv' siècle les intnrsiatori du nord de la Pénin- 
sule savaient produire des œuvres d'une délicatesse et d'une 
élégance dont la comparaison avec les ornements de nos 
basses conduit à attribuer ces derniers à une école différente, 
d'origine plus septentrionale. Cette opinion, que nous pou- 
vons appujersur l'autorité de M. E. Molinier, le savant con- 
servateur du musée du Louvre, s'impose encore plus facile- 
ment à l'examen du violon du Conservatoire de Paris. Il est 
bon de signaler ici l'absence du nom de DuitToproucart dans 
les monographies spéciales de Finochietti * et d'Erculei ^, 
absence surtout frappante chez le premier de ces auteurs qui, 
pour le xvi^ siècle, ne cite pas moins de 127 artistes italiens 
ayant travaillé le bois comme sculpteurs (intagliatori) ou 
comme marqueteurs (intarsiaiojH). 

Gaspard Duiffoproucart se présente à nous comme un per- 
sonnage assez important pour qu'on puisse supposer qu'il a 
joué dans la lutherie le rôle d'un chef d'école; mais les docu- 
ments historiques nous manquent pour étajer cette hypo- 
thèse. En fait d'élèves, on ne peut lui attribuer que son fils 
Jean, dont on n'a aucune œuvre et qui n'est connu, jusqu'à 



^ Délia sculiliira e larsia in legno^ I^Iorence, 1873. 
- Esposizione di industrie artisliche (i885), inlaglio e tarsia in 
lec/no, Rom a. 



GASPAUD DUIFFOPROUCART 4^ 

présent, que par l'unique pièce le concernant que nous avons 
découverte. A-t-il quitté Lyon après avoir liquidé ses dettes 
par sa donation de i585 et cherché ailleurs une compensation 
à l'expropriation ruineuse de la maison paternelle? La chose 
est très admissible. Quant à l'acte notarié en question, il 
nous intéresse surtout par la signature autographe qui, à 
défaut de celle de Gaspard, nous fixe sur la forme qu'il faut 
désormais adopter pour le nom patronymique de ces luthiers. 
Le lecteur a pu constater que, nous basant sur les habitudes 
des scribes du xvi^ siècle, nous avons admis une assez large 
marge dans les variantes que l'orthographe de ce nom a pu 
subir dans nos Archives*. Toutes pourtant, sauf celle de la 
lettre de naturalisation de i558 (Dieffenbruger)^ évoluent 
autour de la version de Wœiriot (Duiffoprugcar). Nous ne 
méconnaissons pas la pureté étymologique de l'appellation 
allemande (Tie/Jenhrùckei\ de tief\ profond, et Bruche, 
pont), à laquelle vient servir de pendant Ilochbrùcker (de 
hoch, élevé, et Brûcke^ pont), nom de luthiers bavaroisqui tra- 
vaillaient au xviii*^ siècle à Donauwerth. Mais la précision de 
la marque répétée trois fois sur la gravure de Wœiriot ne 
permettrait déjà pas de prendre un T pour initiale de l'ar- 
tiste, et, toutes réserves faites sur la forme primitive du nom, 
nous croyons qu'il faut jusqu'à nouvel ordre s'incliner 
devant la signature autographe de Jehan DuifToproucart. 



Il est rationnel de rattaclier à la famille de nos deux 
luthiers lyonnais et de leur homonyme do Lucerne un groupe 
d'artistes établis dans l'Italie du nord à la fm du xvi*^ siècle 
et au commencement du xvii*^ siècle, sur lesquels le Traité 



' Dans certains actes où le nom est répété, il Test avec des variations 
orthographiques notables. 



44 -■•■3 I/LlTiinniS LYONNAIS AU X\i'' SIÈCLE 

du lu/h déjà cité d'E.-G. Baron donne des renseio-nemenls 
inléressanls. Cet auteur célèbre liautemenL l'habileté et 
l'élégance de i'aclure de^ lullis produits par les ateliers 
padouans et vénitiens de trois Ticffenbruckcr qui répondent 
aux prénoms de Magnus, Vendeîinus et Leonardus; il cite 
parmi leurs meilleurs élèves Vendelino Venere et Michel 
Hartung. 

Plusieurs instruments des maîtres de cette école sont 
arrivés jusqu'à nous et témoignent, conformément à l'opi- 
nion de Baron, d'un style italien beaucoup plus pur que 
celui de Gaspard DuifToproucart. Voici quelques notes 
descriptives sur ceux qui étaient réunis l'an dernier dans les 
vitrines de l'Exposition musicale et théâtrale de Vienne^ : 

1° Un chitaiTone, signé Magno Die/fopruchnr Venitùi 
1606, en bois de rose avec incrustations d'ivoire ; longueur 
= i*",()5; largeur = 4^ centimètres; épaisseur =: i8 centi- 
mètres; appartient à sir George Donaldson, de Londres ; 

2° Un grand chitarrone ou théorbe romain, signé Macjno 
Diefjopruchnr a Venetia; instrument monté de 12 cordes 
principales et de 8 cordes sympathiques; appartient à l'ar- 
chiduc François-Ferdinand d'Autriche-Este (ancienne collec- 
tion de Modène); 

3° Un luth^ signé Mu (/no Diejjopruchnr a Venitiii J6!^0 ; 
appartient au musée instrumental de l'Ecole royale acadé- 
mique de musique (Kônigliche ukademische Ilochschule fur 
Musik) de Berlin; 

4^ Une mandole, signée Magnus Dieffenbruger i69f , delà 
même collection. 



* Sir George Donaldson a eu l'obligeance de nous envoyer des 
renseignements sur le premier de ces inslrumenls; pour les autres, 
nous avons puisé dans le catalogue de la section allemande et austro- 
hongroise (Fnch-Kat;dog dcr mu';iIi-hislorischen Ahthedang von 
Deutschiand unJ Oeslerrcich-Ungarn) àe ri^xposilion. Vienne, i8()2 



GASP.^-U!) DUIFl"<>PIlOUi",ART 4^ 

5'^ Un Uiéorbo sii^nc IvLujno Tie/fopruc/uir ;> Veneliii 16 10; 
insLrument moulé à \.\ cordes principales et lo cordes sur 
le manche; appartient an roi de Saxe; 

u'^ Un archiluth, signé Mv/y/îo Tie/fopriic;ir nV enclin 1607 ; 
instrument monté à 19 cordes principales cl 4 cordes sym- 
pathiques; appartient au prince ^lauricc Lobkowilz ; 

70 Une lyra di gamba, signée in Padon Vendelinus Tiefjen- 
hrïiker et, sur une étiquette écrite probablement par le 
fabricant, Vendelinus Tieffenbrïiiier f in Pudoiui; inslru- 
ment probablement unique, monté à 16 cordes principales 
et 1 5 cordes sympathiques ; appartient à l'arcluduc François- 
Ferdinand d'Autriche-Este ; 

8" Un lulh signé Pndova Vvendelino Venere de Leonnrdo 
Tiefembrucher iôSS^ delà même collection ; 

(f Un théorbe signé /67/ Pndovn Vvendelio Venere^ ins- 
trument monté de 12 cordes principales et 8 cordes d'accom- 
pagnement, de la même collection ; 

10*^ Un petit luth signé Vvendelino Venere, à 9 cordes, de 
la même collection; 

11*^ Une harpe-sistre signée Piidova Vvendelino Venere 
de Leonnrdo Tiefembrucher ; le corps de rinstrument est 
monté de i5 cordes et percé de trois rosettes d'une finesse 
remarquable; il y a en outre i5 cordes à gauche du manche 
et du côté opposé 20 cordes fixées sur une sorte de harpe ; de 
la même collection; 

loj' Un archilulh signé in Pitdova V/endelio Venere de 
Leonnrdo Tiefembrucher I587\ instrument réparé en i832 
par Martin Stoss, de Vienne, monté de 24 cordes dont 4 sur 
une arête latérale, ayant une caisse de résonance en ivoire, 
appartient à la Société des amis de la musique (Gssellschaft 
der Musihfreunde) de Vienne^ ; 

^ C'est probaI)lcment cet instrument que R. Rûhlmann (loc. cit.^ 
p. 200) attribue a Gaspard I^uifîoproucart, 



/^G LES I.UTIIIKRS LYONNAIS AU XVl" SIKCLE 

13*^ Un théorbe romain ou chitarrone, signé Jjenn Dellio 
Wenere in Padiia i6'2'2, instrument monté de i4 cordes, de 
la môme collection. 

L'utilisation de ces données pourra servir de point de 
départ pour une étude biographique, encore à faire, de la 
génération en question des Tiefrenbriicker*, Leurs aptitudes 
professionnelles se seraient même transmises pendant les 
siècles suivants jusqu'à nos jours, s'il faut en croire 
Niederheitmann qui signale une famille de luthiers bavarois 
de ce nom encore existante^. 



Mais ne nous engageons pas plus avant dans une 
voie qui nous mènerait loin du programme que nous nous 
sommes tracé. Rentré sur le terrain lyonnais, nous pouvons 
supposer c7/>r/or/ qu'un artiste de l'importance de Gaspard 
DuilFoproucart a dû se fixer dans un centre où l'industrie de 
la lutherie était florissante et que, pendant cette période, 
notre ville a dû compter parmi ses habitants un certain 
nombre d'autres fabricants d'instruments à cordes. Cette 
supposition se trouve pleinement confirmée par les 
recherches que nous avons poursuivies dans nos Archives 
locales pour tout le cours du xvi*^ siècle. 



* D'après M. Hajdecki (loc. cit., p. 58 et suiv.), Leonardus, qui 
paraît avoir été le chef de cette école, serait le fils de Gaspard Duitîo- 
proucart ; il aurait été le père de Vendelinus TielTenbrïicker qu'il iden- 
tifie avec Vendelinus Venere, et le père ou l'oncle de Ma^^nus. Rien ne 
nous paraît démontrer cette filiation qui se base, du reste, au point de 
vue chronologique, sur la version biographique de Roquefort, et que 
des recherches dans les Archives de Padoue et do Venise pourraient 
seules établir avec certitude. 

* Loc. cit., p. 4. 



GASPAlî!) DUIFFOl'UOUCAUT 4? 

Le premier en date que nous rencontrons est Nicolas Bon- 
temps qualifié de « faiseur d instruments » dans un recense- 
ment de pennonage dressé en mars i5oG (vieux style)* et 
de « faiseur de manicordions » dans un rôle de Nommées 
exactement postérieur de dix ans (mars i5i6)~; il habite à 
ces deux époques le quartier du port du Temple. 

Puis vient Honoré de Lœuvre, « faiseur d'espinettes ». Nous 
trouvons son existence signalée pour la première fois en 
i5i?) ^ et pour la dernière en i 545 *, avec des mentions inter- 
médiaires pour les années 1529, i538 et i54o'^; il paraît 
avoir habité pendant toute cette période la rue Raisin, 
actuellement Jean-de-Tournes. Sa mort doit se placer à la 
fin de la première moitié du siècle : car une Nommée signale, 
le 4 décembre i55i, « les hoirs feu Pierre de Lèvres faiseur 
d'espinettes » comme possédant une maison dans la rue Saint- 
MarceF'. En présence de cette désignation professionnelle, 
nous croyons que le prénom de celui auquel elle se rapporte 
a été l'objet d'une erreur de la part du scribe, celui d'Honoré 
étant le seul que les actes antérieurs accolent au faiseur 
d'épinettes de Lœuvre. 

Benoît Lejeune, « faiseur de luths », nous est déjà connu 
comme habitant en i557 le même pennonage que Gaspard 
DuifFoproucart, près de l'église des Gordeliers^. 

André Vinatte, « faiseur de violes », est signalé dans une 

^ Archives de la ville de Lyon, E E « Establies en cas delfroy en la 
ville de Lion à la part devers l'empire, faistcs an nioys de mars mil 
cinq cens et six avant Pâques ». 

- Archives de la ville de Lyon, GC, 3i. 

^ Archives de la ville de Lyon, GC, 260; id., EE « Establies devers le 
Rosne faictes en jung i523 ». 

'i Archives de la ville.de Lyon, GG, 4i et i44. 

^ Archives de la ville de Lyon, GG, i36, i38, i43 et 281. 

" Archives de la ville de Lyon, GG, 44. 

" Voir ci-des.-us note 1 de la page 24. 



48 LES LUTHIERS LYONN.MS AU XVl' SIKCLi: 

Eslablie du mois d'aoriL i568 comme logé non loin de 
riiôLel-Dieu ^ Cet artiste était protestant et paya quatre ans 
plus tard sa religion de sa vie, car il est inscrit avec les 
qualifications suivantes : « poictevin, industrieux ouvrier et 
faiseur de violes » dans la liste que Jean Ricaud a dressée des 
victimes de la Saint-Barlhélemy lyonnaise ^. 

A la même époque, deux luthiers sont installés dans le 
quartier Saint-Paul, et figurent, le plus souvent côte à côte, 
dans les rôles d'impositions^ et les recensements de penno- 
nages^ que nous possédons entre i568 et 10^2. : ce sont Jehan 
lielmer et Philippe Flac, dont la désignation profession- 
nelle de « faiseur de luths » est remplacée deux fois pour le 
second par celle de « faiseur de guiternes », La forme de leurs 
noms indique une origine étrangère et septentrionale : un de 
ces documents assigne du reste positivement à Jean Helmer la 
nationalité allemande. En outre, un recensement de protes- 
tants dressé en novembre 1 Sôy ' nous apprend que Philippe 



^ Archives de la ville de Lyon, EE, « Establies de la ville de Lyon, 
faictes au mois d'aoust i568, tant du coslé de Fourvières que du 
Rosne ». 

- ULscoiirs du massacre de ceux de la relù/ion réformée fait à Lyon 
par les catholiques ro?nains le vincjt-huicliesme du mois d'aoust et 
jours ensuivants de l'an 1 57 '2, p. 226 de la réimpression faite à Lyon 
en 1848. 

^ Archives de la ville de Lyon, CG, 146, i47, i49) i5o, i53, i54, 
275, 1197. 

^^ Archives de la ville de Lyon, EE, « Rolle du penonage de la 
Pomme rouge commençant au petit porcellet» et « l*]stablies la ville de 
de Lyon faictes au mois d'aoust i568 tant du costé de Fourvières que 
du costé du Iiosne ». 

"•' Archives de la ville de Lyon, EE (fonds protestant), <■<■ Roolle de 
ceidx de la religion prétendue réformée demourantz en ceste ville de 
Lyon et au quartier de la Pomme qui ont confession de foy depuis les 
derniers troubles, fuict le 25 novembre 1567 au commandement de 
Messieurs de la ville ». 



GASPARD l)i:iFFOPROU;".A.RT /[() 

Flac apparLenail à la religion réformée, qu'il avait à celle 
dale Irenle-cinq ans environ et qu'il était marié, « chargé de 
femme » dit le texte. 

Pierre le Camus, faiseur de luths, habite également la 
rive droitedela Saône en iSySet en i.^yS*; il est aussi signalé 
comme étranger sans nationalité plus précise. 

M^ Simon, (( joueur et faiseur de luths », est voisin 
des trois artistes précédents et loge au quartier Saint-Paul 
dans la rue de la Pomme-Rouge, entre i568 et iSyS-. 
Dans toutes les pièces oîi figure cet artiste, le mot Simon 
est suivi d'un blanc indiquant que son prénom seul nous 
est connu. 

Pour tous ces artistes, les textes des archives portent, 
comme nous venons de le voir, des désignations profession- 
nelles dont la précision ne peut laisser de doute ; mais nous 
croyons que la liste de nos luthiers doit encore s'augmenter 
de plusieurs autres noms. 

Des recherches, dont les résultats sont trop détaillés pour 
être exposés ici, m'ont démontré qu'au xvi° siècle Lyon 
possédait des fabricants de toutes les classes d'instruments de 
musique. Ses faiseurs de flûtes ou fleu fiers, et ses faiseurs de 
trompettes ou trompetiers, jouissaient en particulier d'une 
grande réputation. Si l'on tient compte de la spécialisation 
beaucoup moins étroite qu'aujourd'hui des industries artis- 
tiques de cette époque, on admettra que certains de nos 

* Archives de la ville de Lyon, CG, 276 et 277. 

• Archives de la ville de Lyon, CG, 147, i5o, i53, i54, i55, 275 et 
277; id., EE, « Establies de la ville de Lyon faictes au mois d'aoust 
i568, tant du costé de Fourvières que du costé du llosne », <( Revue 
d'armes au pennonag-e de la rue du Ghapeau-Rouge » et « Mémoire du 
nombrement des personnes et maisons qui sont sous les quarteniei's 
Jehan Pierre Ghristofle et Tachon, rue des Albergeries, commençant 
depuis le port Saint-Pol jusques à la maison du sieur Lionel de Barge 
du costé du matin «. 



03 LES LUTÎIK'US LYONNAIS AU XVl" SIKCLK 

lulhiers pouvaient ii3 pas fabriquer exclusivement des 
instruments à cordes et se trouver ainsi désignés seulement 
comme « faiseurs d'instruments ». Voici les personnages dont 
les archives spécifient ainsi la profession : 

Mathelin (ou Mathieu) de La Noue, qualifié tour à tour de 
« faiseur d'instruments », de « fleustier » ou « floteur » et 
de « menestrier », habite dans le quartier Saint-Paul au 
commencement du siècle, ou, pour nous en tenir à nos 
dates officielles, en i523, 1629, i53o et i538^ Il était mort 
en i555, car le 29 novembre de cette année, Jeanne Pavalier, 
sa veuve, assistait au contrat de mariage de sa nièce Claudine 
Pavalier, qui, veuve elle-même de François Marchant, épou- 
sait Toussaint Faure -. Ce dernier, également faiseur d'ins- 
truments, ne profita pas longtemps de cette union : car le 
3i octobre i564i Claudine Pavalier convolait en troisième 
noce avec Gabriel Chardon ^, riche musicien désigné dans 
des actes nombreux surtout comme « joueur d'instru- 
ments », etqui devaiten 15^2 partagera la Saint-Barthélémy 
le sort d'André Yinatte *. 

Au milieu du siècle, entre 1 545 et 1 552 '', Luc Gentil, « fai- 
seur d'instruments » et «joucir de cornet », habite dans la rue 
du Garillan. Ce personnage paraît avoir joui d'une certaine 
aisance, car il était propriétaire d'une maison à la cote Saint- 



' Archives de la ville de Lyon^ GC, 13;, i-ii\ id., CG bis, lyS ; id. 
EE, « Establie devers Fourvières faicLe en juiig i523 ». 

2 Archives de la ville de Lyon, FF, « Ncufviesme volume des dona- 
cions présenté au g-reffe des insinuacions de la ville, païs et seneschaus- 
sce de Lyon », fol. 2. 

3 Archives départementales du Rhône, B : insinuations du 4 juillet 
i566 au 6 novembre i568 ; fol. 124. 

* Voir le discours de Jean Ricaudcité plus haut, note 2 de la page 48. 

^ Archives de la ville de Lyon GG, 40 et 44; id., GG Lis, 826; 
id., EE, « Establys de la ville de Lyon faictesen fan i545 devers Four- 
vières ». 



GASPAUl) r.UIFFOPllOUCAUT ôl 

Sébastien, comme Gaspard Duiffoproiicart, et proche parent 
(probablement frère) d'un riche correcteur d'imprimerie. 

La fin du siècle, très pauvre en documents musicaux, nous 
fournit pourtant encore un faiseur d'instruments, François 
Furet : les archives de la Charité nous apprennent qu'il a 
épousé en i583 Jacqueline Lasallc, fdle adoptive de 
l'Aumône générale et a reçu pour ce, le 2 5 juillet de cette 
année, une dot de i3 écus 20 sols ^ 

Enfin nous noterons en loyS et iSyS" un « vendeur 
d'instruments » étranger, l'italien Nicolas Juli, établi du 
côté de Fourvière. 

Le dernier nom porte à quinze le nombre des luthiers 
lyonnais du xvi*^ siècle. Rien ne prouve que la liste en soit 
définitivement close et ne puisse s'augmenter notablement, si 
les lacunes de nos archives étaient comblées et si l'on pouvait 
suppléer, pour les pièces qui nous sont parvenues, aux incer- 
titudes qui découlent de l'absence ou du caractère vague et 
incomplet de leurs indications professionnelles. Quoi qu'il 
en soit, on peut dès à présent se demander si l'histoire de la 
lutherie lyonnaise au xix'^ siècle pourra dépasser ou même 
atteindre le chiffre auquel nous arrivons pour le xvi^ siècle, 
et en conclure, surtout en tenant compte de la différence de 
la population, à la prospérité de cette industrie pendant la 
période que nous étudions. 

Les pages qui précèdent relatent tout ce que nous savons 
sur ces artistes dont aucune mention, sauf celle relative à 
la mort de Yinatte, n'a jamais jusqu'à présent été faite. 
Aucun instrument signé d'eux n'est parvenu jusqu'à nous, 
du moins à notre connaissance. Quelle était leur origine ? 



* Archives de l'hospice de la Charité de Lyon, E, i! 
- Archives de la ville de Lyon, CC, 276 et 277, 



2 LKS LUTiin:'.;? i>yonn.^js au xvi' S'ix'.Ll-; 

QucUg fui leur destinée au milieu des guerres de religion 
qui paraissent se traduire pour eux dans nos Archives par 
une éclipse succédant à une période exceptionnellement 
florissante comprise entre le milieu et le dernier quart du 
siècle ? Notre luthier Le Camus est-il allié à deux musi- 
ciens du même nom qui ont laissé des compositions au xvn^ 
et au xviii^ siècles ? Jean Ilelmer a-t-il eu pour descendant 
un bon luthier de Prague, Garl Ilelmer, qui a signé des ins- 
truments à cordes entre ij35 et iy5o ? Autant de questions 
que nous devons pour le moment nous contenter de poser. 
Le régime de liberté à peu près illimitée sous lequel les 
professions s'exerçaient à Lyon nous a privé de documents 
assez précis pour apprécier exactement les conditions socia- 
les de telle ou telle d'entre elles. Il nous est cependant dé- 
montré, par de nombreux documents tirés de nos Archives, 
et dont l'exposé détaillé trouvera mieux sa place dans 
un autre travail, que, pendant le xvi^ siècle, les représentants 
de l'art musical dans toutes ses branches ont été non seule- 
ment nombreux à Lyon, mais qu'ils ont occupé, dans notre 
bourgeoisie riche et travailleuse, un rang honorable appuyé 
sur une situation financière souvent aisée et parfois même 
opulente. Or, parmi ces musiciens, les luthiers sont loin 
d'occuper la dernière place. Gaspard DuilToproucart, Honoré 
de Lœuvre, Mathelin de Lanoue, Luc Gentil, sont proprié- 
taires d'immeubles plus ou moins importants, et les chiffres 
qui fixent la part contributive aux diverses impositions des 
autres représentants de la corporation sont loin de les ranger 
dans la dernière classe des contribuables. 

Les indications professionnelles inscrites dans nos Archives, 
et les détails si précis gravés par Wœiriot dans la belle 
œuvre que nous avons analysée, nous fixent sur la nature des 
instruments à cordes qui sont sortis à cette époque des ate- 



(iASPAHD DUIFFOPRorCAlîT 53 

liers lyonnais. Il est assez curieux que nos deux premiers 
luthiers en date soient désignés comme facteurs d'instru- 
ments à clavier, c'est-à-dire de manicordions et d'épinettes. 
Au xvi° siècle, ces ancêtres de notre piano étaient déjà en 
faveur; leur étude faisait partie de l'éducation de bon nom- 
bre de membres des classes élevées; plus d'un souverain, 
entre autres Charles-Quint, en jouait. Les dames lyonnaises, 
dont la beauté et la culture intellectuelle ont été chantées par 
tous les poètes du temps, paraissent aussi avoir affectionné 
l'épinette, entre autres Louise Labé, Pernette du Guillet, et 
surtout Clémence de Bourges, douée sur cet instrument 
d'un talent assez grand pour mériter d'être produit devant 
Henri II et Catherine de Médicis et hautement apprécié 
par les musiciens de leur suite K 

Les épine ttes lyonnaises de cette époque avaient parfois 
un grand prix. Ainsi les Archives de la Charité mentionnent 
à plusieurs reprises un de ces instruments dont malheureu- 
sement l'auteur n'est pas connu, que l'Aumône générale avait 
reçu en gage pour une créance de 383 livres. Après l'avoir 
longtemps gardé, elle le fit vendre 4oo livres, sur estimation 
faite par des orfèvres et des organistes, détail dont on peut 
inférer que sa valeur était à la fois musicale et ornementale -. 

Si la qualification professionnelle de luthier dérive d'une 
étymologie que rien ne rappelle aujourd'hui dans les produc- 
tions de ces fabricants, il n'en était pas de même au xvi"" siècle. 
Le luth^, cité presque à chaque page par les poètes du temps. 



* Histoire véritable de la ville de Lyon, par Claude de Rubys, p. 384, 
1604. 

* Archives de Ihospice de la Charité de Lyon, passim et surtout E, 
1492. 

^ Le mot luth est rarement écrit dans les archives lyonnaises de cette 
époque avec son orthographe actuelle : ses formes les plus fréquentes 
sont lue, leut, leu. 



54 LI-S LUTHIERS LYONNAIS AU XVI® SIKCLH 

était alors le roi des inslrumenLs, surlout pour l'accompa- 
giiement des voix dans la musique de chambre. La guitare 
ou guiterne, d'origine espagnole, lui faisait pourtant une 
concurrence sérieuse ', et nous avons vu Philippe Flac 
signalé comme en fabriquant plus spécialement. On peut 
en rapprocher le sistre, dont un spécimen est figuré dans 
le portrait de Duiflbproucart. 

Il est intéressant de trouver dans le même document 
iconographique une petite harpe à main. On admet généra- 
lement que cet instrument, très en vogue pendant tout le 
moyen âge, est tombé en désuétude au commencement du 
xvi^ siècle pour renaître au xviii^ sous sa forme actuelle ; 
nous avons donc la preuve, contraire à l'opinion courante, 
qu'il était encore en usage, du moins à Lyon, en i562. 

Les instruments à archet étaient représentés chez nous par 
le rebec des ménétriers populaires, par les violes, plutôt 
admises dans la musique de chambre, enfin par le violon. 
La représentation de cet instrument dans la gravure de 
Wœiriotne laisse pas sur ce point place au doute. Mais une 
étude historique de la lutherie de cette époque nepeutse dis- 
penser d'insister davantage sur cet instrument : nous y 
sommes d'autant plus tenu que nos devanciers ont fait jouer 
à Gaspard DuifFoproucart un rôle plus ou moins explicite, 
mais en général prépondérant dans la découverte du violon. 



Peu de questions ont fait couler plus d'encre, et restent 



* « ... Depuis douze ou quinze ans en çà, tout notre monde s'est mis 
à guiterner, le lue presque mis en oubli, pour être en la guiterne je ne 
sais quelle musique, et icelle beaucoup plus aisée que celle-là du lue ». 
(La manière d'cntoucher les lues et les c/uiternes, petit traité publié en 
i556, attribue autrefois à Bonaventure des Periers, probablement de 
r^elletier du Mans\ 



GASPAlîD DUIFFOPROUCART Dô 

pourtant plus ol)scures, que ce problème musicographique. 
Hâtons-nous d'à jouter que nous n'avons pas ici la prétention 
de le résoudre, mais seulement de Téclaircir, en faisant une 
sélection plus rigoureuse dans les matériaux que nous possé- 
dons. Nous réagirons surtout contre la facilité avec laquelle 
certains auteurs ont édifié l'histoire de la lutherie du xvi" 
siècle sur des instruments de fabricants et de dates apocry- 
phes. On ne saurait trop insister sur les doutes émis déjà 
avant nous sur ce point par Vidal et Hart. 

En réalité les violons authentiques du xvi" siècle peuvent 
compter parmi les pièces rarissimes, disons même presque 
inlrouvables. La plus grande partie des instruments qui sont 
présentés comme tels rentrent dans la catégorie des violons 
de Gaspard DuilToproucart si complaisamment décrits par 
Niederheitmann. Les autres proviennent de violes recoupées, 
genre d'industrie très largement pratiquée au commence- 
ment de notre siècle, pour satisfaire coûte que coûte 
l'engouement de l'amateur pour la lutherie ancienne. En 
somme, nous ne connaissons aucun violon de la première 
moitié du xvi* siècle, et nous demandons si pour la seconde 
moitié il en existe qui aient une authenticité inattaquable, 
sauf deux ou trois instruments de Gaspar da Salô. Les pro- 
ductions de la première génération des Amati restent aussi 
problématiques que leur vie; il serait opportun de serrer de 
près l'origine des violons qu'on prétend avoir été fabriqués 
en 1572 par André Amati pour le roi Charles IX, sous 
peine de ne voir dans cette commande qu'un pendant à celle 
faite par François P' à DuifToproucart. 

Une idée préconçue paraît peser sur cette question et se 
fait jour surtout dans les commentaires des auteurs sur 
l'histoire du mot français violon et de sa traduction italienne 
violino. On dirait que pour eux la gloire sans rivale de la 
lutherie de la Haute-Italie auxvii^ et au xviii^ siècle démon- 



56 Li:S LUTHH.KS LYONNAIS AU XVl" SIÈCLE 

Irc la prédeslinalion de ceUe région à la découverlc du vio- 
lon ; il semble fatal que rinslrument nouveau ait dû être 
fixé dans ses formes définitives et baptisé par la Péninsule 
avant que la France et les autres pays en bénéficient. 

Malheureusement le mot violon, qui n'est pas la traduction 
exacte de violino, est passé du provençal dans notre langue, 
non vers i55o, comme le prétendent les partisans de la 
théorie en question, mais à une époque très antérieure ; non 
seulement il est usité à Lyon en i548, mais il figure en 
i533 dans les dépenses secrètes de François P^*, et M. Jac- 
quot le signale en Lorraine dès 1490 ^- Par contre, Federico 
Sacchi paraît avoir établi que le mot violino ne se trouve 
pas dans la langue italienne avant i562^. Mais nous nous 
reprocherions de prolonger cette discussion linguistique ; 
car rien ne nous démontre que jusqu'au milieu du xvi^ 
siècle les instruments appelés violons aient eu les carac- 
tères essentiels de ceux auxquels on a donné depuis lors 
ce nom. 

Une particularité sur laquelle on ne saurait trop insister 
contribue encore à obscurcir les débuts du violon : c'est le 
caractère exclusivement populaire et roturier qu'il a eu à son 
origine et a conservé au moins jusqu'à la fin du xvi^ siècle. 
Ce noble instrument tranchait par l'éclat et la franchise de 
son timbre avec les sonorités discrètes, si à la mode alors, 
des luths, des guitares et même des violes. Aussi, ne le 
voyons-nous pas figurer dans le mobilier des grands per- 
sonnages du temps. Son étude ne fait pas partie de l'éduca- 



* Acquit sii^né le 23 juin i533 à Lyon, in Comples des bâtiments du 
roi (loc. cit.). 

^ La Musique en Lorraine, p. 23. 

^ La prima comparsa délia parola violino nei documenli dei secolo xvi 
(Gazclla musicale di Milarw, G septembre 1891). 



tion des gens comme il faut. Lorsque Rabelais formule les 
préceptes pédagogiques de son Gargantua', il fait une large 
part à la musique, et son héros apprend à jouer du luth. 
de l'épinette, de la harpe, de la flûte d'Allemagne (traver- 
sière), de la viole et de la saquebute (trombone), mais non 
du violon. 

A la fin du siècle seulement, le nouvel instrument fait 
une apparition dans l'orchestration assez incohérente du 
Ballet comique de In Reine (i58i) et il attendra encore plus 
de vingt ans pour être introduit dans l'instrumentation 
théâtrale rationnelle par Claudio Monteverde, le grand révo- 
lutionnaire orchestral, le Berlioz de son époque : on sait que 
la partition de son Orfeo (1607) intentionné duoi piccoli 
violini a la francese, désignation dont on a cherché en vain 
à diminuer la gravité au point de vue des droits de priorité 
de l'Italie. 

En réalité, le roi actuel de nos orchestres était au xvi'^ siècle 
réservé aux musiciens populaires et destiné à accompagner 
les chansons elles danses des petites gens. Lorsqu'il se faisait 
entendre devant les grands personnages, c'était dans les 
cortèges et en plein air, à la manière de nos instruments 
de fanfares et d'harmonies. Nous nous contenterons, pour 
démontrer ce que nous venons d'avancer, de deux preuves 
empruntées à l'histoire musicale lyonnaise. 

Nos Archives mentionnent un grand noml^re de musiciens 
populaires pour cette époque : or il est à remarquer que, 
tandis que nous rencontrons à Lyon, pendant la première 
moitié du siècle, des meneslriers, des taborins^ des rebequets 
ou Joueurs de rebec, ces désignations professionnelles font 
défaut à partir du moment où apparaît dans nos actes le mot 

' Gh. 23, 



58 LES LUTHIERS LYONNAIS AU XVl^ SIÈCLE 

violon, et certains musiciens qui se trouvent cités pendant 
une longue période portent une des premières qualifications 
jusque vers i55o, et exclusivement la dernière à partir de 
cette date. 

En outre, les comptes de la ville mentionnent des violons 
parmi les personnages qui ont pris part aux fêtes qui se 
sont succédé pendant huit jours lors de la célèbre entrée de 
Henri II et de Catherine de Médicis en i548'. Mais il est 
certain que ces musiciens ont figuré en plein air, en parti- 
culier aux sortes de régates qui furent données sur la Saône, 
et n'ont pas paru à la représentation théâtrale offerte à ses 
hôtes royaux par le cardinal de Ferrare. Car nous possédons 
un récit de cette entrée dans lequel le compte rendu de cette 
dernière partie du programme indique jusqu'à l'orchestration 
des morceaux de musique qui y furent exécutés, et le violon 
n'y figure pas-. 

Un siècle plus tard, Antoine Stradivari devait consacrer 
plus de trente ans à des travaux et à des expériences soli- 
taires avant d'arriver, dans les moindres détails de la con- 
struction du violon, à des règles dont la réalisation constante 
continue à faire à la fois l'admiration des artistes et l'éton- 
nement des physiciens. L'histoire de cet instrument aurait- 
elle présenté à ses débuts un phénomène analogue? Un 
seul luthier de génie, conscient de la valeur limitée de la viole 
et du rebec, a-t-il su incurver leurs tables, allonger leur 
corps, échancrer leurs côtés, formuler rationnellement le 
nombre de leurs cordes, en un mot trouver les lois essen- 



* Archives de la ville de Lyon, CG, 981. 

^ La. magnifica et triamphale entrata. del christianissimo Re de 
Francia Hem-ico seconda di questo nome, (alla délia nobile e antiqua 
cita di Lione, etc. Relation italienne imprimée à Lyon par Guillaume 
Roville en i549. 



GASPARD DUirrOPROUGART 5q 

tielles du violon que nous possédons aujourd'hui? Faut-il 
admettre au contraire les tâtonnements de plusieurs arti- 
sans ayant collaboré sans le savoir et peut-être durant plu- 
sieurs générations au même but? Les deux hypothèses 
sont plausibles, et nous ne connaissons aucune raison qui 
permette de faire pencher la balance d'un côté plutôt que de 
l'autre. 

Nous attacherons, à ce point de vue, moins d'importance 
que nos devanciers aux documents iconographiques. En 
réalité, ils sont peu démonstratifs, eu égard aux variantes 
innombrables de forme que les instruments à archet ont 
présentées dans tout le cours du moyen âge, variantes qu'il 
est trop facile d'interpréter comme des contributions à la 
découverte du violon. Ce dernier instrument a été, en somme, 
représenté rarement avec tous ses caractères pendant le 
xvi^ siècle, et la gravure de Wœiriot fournit une de ses 
premières reproductions en date, constatation dont nous ne 
méconnaissons pas l'importance grande, mais que nous 
refusons de regarder comme une preuve décisive de l'inven- 
tion du violon par Gaspard Duiffoproucart ^ . 

Des recherches nouvelles, et, disons-le franchement, plus 
approfondies que celles qui servent de base aux travaux 
contemporains sur l'histoire de la lutherie, sont nécessaires 
pour arriver à des résultats décisifs sur cette question inté- 
ressante. On voit se succéder de nos jours en la matière des 
monographies et même de gros ouvrages dont tous les frais 
sont faits par des redites et des commentaires subtils sur tel 



* La gravure du violon de Duiffoproucart présente deux particula- 
rités inconnues dans les patrons réguliers : cinq cordes au lieu de 
quatre et des sillets multiples sur la touche. Nous ferons remarquer 
qu'il semble que le nombre des cordes des violons primitifs n'ait pas 
été fixe : G. Hart (loc. cif., p. 22) cite un violon authentique d'André 
Amati monté primitivement à trois cordes. 



6;) lî:s luthikus lyonnais au xvi* siÈ('li: 

ou tel instrument, parfois douteux. La source des documents 
authentiques sur la musique est-elle donc tarie et les archives 
locales ne gardent- elles pas dans maintes villes des mines 
inexplorées de renseignements sur ce sujet? MM. Léon de 
Burbure^ à Anvers, A. Jacquot, en Lorraine, Berenzi et 
Livi, à Brescia, ont déjà répondu pour nous à cette question, 
et les résultats de leurs études indiquent nettement, ainsi 
que la nôtre, la voie qui permettra seule, par le groupement 
des données acquises de part et d'autre, d'élucider bien des 
problèmes historiques actuellement insolubles. 

Pour celui qui nous occupe, il faut élargir résolument le 
champ géographique des études qui sont restées cantonnées 
obstinément jusqu'ici dans l'Italie. N'est-il pas avant tout 
rationnel d'admettre que le foyer prépondérant de la com- 
position musicale qui a jeté un si vif éclat, à la fin du xv^ siè- 
cle, en Belgique et dans le nord de la France, a dû correspon- 
dre à des écoles de lutherie dont les maîtres ont été les 
précurseurs des luthiers de l'Italie du Nord, comme leurs 
compatriotes compositeurs ont frayé la voie aux Palestrina 
et aux Monte verde? Et, en effet, dès le xv^ siècle, il est 
question dans l'histoire des Pays-Bas de bons fabricanls 
d'instruments à cordes, entre autres du brabançon Lewis 
ou Lodewyk van Vaelbeke, personnage encore peu connu, 
avouons-le : leurs œuvres étaient hautement prisées, ce dont 
témoigne d'une manière décisive leur présence en grand 
nombre, dans le curieux catalogue qu'a publié E. Mûntz, 
du mobilier, dispersé en 1494? ^^s Médicis, ces collection- 

' Léon de Burbure, Recherches sur les facteurs de clavecins et les 
luthiers d'Anvers depuis le xvi^ siècle jusqu'au xix" siècle (Bull, de 
VAcad. royale des sciences^ lettres et heaux-arts de Bruxelles, i863). 
M, Natalis Rondot a eu l'extrême obligeance de relever pour nous, 
dans les registres de la gilde en question, les noms de ces artistes pour 
le xvi^ siècle : ils sont au nombre de dix-huit. 



GASPAun ni'irroi'itoucART 6i 

neurs émérites ^ Puis pendant le xvi^ siècle nous voyons 
se succéder parmi les membres de la gilde de saint Luc à 
Anvers des luthiers et fabricants de clavecins aux noms bien 
ilamands et dont l'éducation paraît s'être faite entièrement 
sur place. 

Que savons-nous de précis sur la lutherie allemande de la 
Renaissance, en particulier sur l'école de Nuremberg dont 
quelques noms célèbres, Conrad et Hans Gerle, HansFrey, 
Hans Neusiedler, ne sont parvenus jusqu'à nous que pour 
dénoter son importance, sans définir son rôle historique ? 
Ne faudra-t-il pas aller plus loin encore pour étudier ces 
gigues polonaises (\\iQ certains auteurs, entre autres M. Haj- 
decki, sont tentés de regarder comme les ancêtres du violon? 
Dès i535, Richard Hume, inaugure à Edimbourg, d'après 
Sandys et Forster, une école de luthiers anglais et écossais 
dont les produits auraient été sans rivaux sous le règne 
d'Elisabeth^. Ne devrons-nous pas aussi mettre à contribu- 
tion l'étude de leur style ? 

On a pu remarquer que trois de nos luthiers lyonnais ont 
une origine allemande, un quatrième est poitevin : aucun des 
autres, sauf le « vendeur » Nicolas Juli, ne paraît avoir des 
attaches méridionales, malgré l'importance, démontrée par 
nos archives presque à chacune de leurs pages, de l'émigra- 
tion italienne à Lyon. Tout permet donc de supposer que, si 
nos artistes dérivent d'écoles étrangères, c'est au Nord et non 
au Midi qu'il faudra en chercher le siège. 



^ La, collection des Médicis au xv® siècle : le musée, la bibliothèque, 
le mobilier (fol. 87 de l'inventaire de i45G, et fol. 200 de l'inventaire 
de 1492). 

- Loc. cit., p. 196. 



62 LF:S luthiers lyonnais au XVI* SIÈCLE 

Quoi qu'il en soit, conservons les noms de cette petite 
phalange de musiciens. Le plus important d'entre eux a marqué 
définitivement sa place dans l'histoire de l'art : il suffit pour 
sa renommée qu'il puisse entrer sérieusement en ligne parmi 
les inventeurs présumés du violon et qu'il ait, en tout cas, 
été des premiers à fabriquer des instruments de ce type. 
Gaspard DuifFoproucart a illustré notre cité, il y a acquis la 
nationalité française et sa dépouille a reposé parmi celles 
de nos pères après une vie prématurément brisée par le mal- 
heur. Sa noble tête appelle le ciseau du sculpteur, et son nom 
mérite d'être conservé par ceux des Lyonnais dignes de 
mémoire. 



PIÈCES JUSTIFICATIVES 



PIÈCES JUSTIFICATIVES 



Coppie des lellres patentes du rox^ portant constitution de pension 
pour les héritiers de feu Gaspard Duiffoprougard allemand, 
à cause de la maison qu'il avoit et possédoit en la couste 
Sa inct-Sêbaslicn . 



Charles, i'au i.\ graci; im: Dii:u iiov de Fkangh:, à tous ceul\ qui ces 
présentes verront, salut. Noz chers et bien amez leslicritiersdc feu Gas- 
pard Duiiroprouf,sird, marchand nalif dallemai^nie, en son vivant pauvre 
homme faiseur dinstrumens musicaux, nous ont très humblement faict 
remonslrer que seslant leur dict feu père habité en nostre ville de 
Lyon, il se seroit faict naturalisé et apporté en nostre dicte ville tout 
ce qu'il avoit peu retirer dallemaigne tant de son patrimoine que aultres 
ses biens à lui donnez de son labeur et autrement, ayant mis en 
deniers tout ce qu'il avoit peu espargner de son industrie qu'il auroit 
employez en lachapl et bastiment d'une maison où il souloit demeurer 
assize en nostre dicte ville en la coste sainct Sébastien, laquelle par 
nostre commandement auroit été démolie et abatue l'an mil cinq cent 
soixante six, et tant la place de ladicte maison que les matériaux pro- 



66 Li:S LUTHIERS LYONNAIS AU XVI« SIÈCLE 

veiuiz de la démolition dicelle comme boys, pierre, thuille et aultres 
appliquez à nostre prouflit pour la construcliou de la citadelle dudict 
Lyon, de lordonnance de noz olFiciers ayans charge de ladicte con- 
struction, auparavant la démolition de laquelle maison ledict feu Gas- 
pard père se sei'oit retiré vers nous et requis que nostre plaisir fut faire 
visiter, priser et évaluer ladicte maison et appartenances avant qu'elle 
fut démolie ; sur quoy, par noz lettres patentes Nous aurions mandé à 
nostre amé et féal conseiller en nostre conseil privé le président de 
Birague, lors notre lieutenant général audict Lyon, faire veoir ladicte 
maison, et, après quil luy seroit apparu quil estoit nécessaire qu'elle 
fut abattue et démolie, la faire évaluer et priser avant la démolition 
dicelle et nous renvoyer ladicte prisée pour pourveoir au rembourse- 
ment dudict Gaspard comme verrions cstre à faire ; suyvant lesquelles 
noz lettres patentes ledict sieur président ayant eu advis de Tingénieur 
ck3 ladicte citadelle que ladicte maison et place devoit eslre dedans le 
fossé dicelle citadelle, auroit fait priser ladicte maison, laquelle auroit 
été évaluée et estimée à la somme de neuf mille deux cens quarante 
cinq livres quatorze solz quatre deniers tournois, en la présence de 
notre procureur et autres noz ofTiciers dudict Lyon ; après laquelle appré- 
ciation sestant leur feu père retiré devers nous pour en avoir payement, 
parceque ronprélendoit ladictemaison auroitesté trop estimée, par aul- 
tres noz lettres patentes du premier de février mil cinq cent soixante 
sept, aurionsmandéaudictsieurde Birague faire apprécier et estimer de 
nouveau ladicte maison, ce qu'il auroit faict, et par la seconde apprécia- 
tion auroit été rapporté ladicte maison valloir pour le moins ladicte 
somme, et combien que en icelle maison fut tout le bien dudict feu 
Gaspard qui depuis est décéddé incommodé et a laissé lesdicts supplians 
ses enfans et hoirs engagez de debtes à cause de rincommodilé par luy 
reçeue de la prisée et démolition dicelle maison, après plusieurs lon- 
gues poursuittes à grandz fraiz faites par lesdicts héritiers pour en avoir 
payement, ils nous ont très humblement supplié et requis avoir pitié 
d'eulx et les faire payer de ladicte maison pour les secourir en la néces- 
sité en laquelle ils sont délenuz; i-oru cns causks, ayant faict veoir en 
nostre conseil lesdictes lettres patantes, les rapportz et appréciations 
dicelle maison avec la délivrance des clefz dicelle faicle par ledict 
déffunct Gaspard à noz ofriciers,par ordonnance dudict seigneur de Bi- 
rague, et aUltres pièces cy attachées soubz notre contrescel, de Tadvis 
de notre dict conseil et pour pourveoir auxdicts suppliants et leff relever 



GASPARD DUIFFOmOUGART i)J 

dédommages, avons constitué et assigné, constituons et assignons par 
CCS présentes auxdicts héritiers dudict feu Gaspard DuifToprougard la 
somme de quatre cent soixante deux livres cinq solz cinq deniers tour- 
nois de rente annuelle et perpétuelle, qui est à i-aison de cinq pour 
cens, jusques à ce qu'ilz ayent par nous esté payez et remboursez de 
ladicte somme de neuf mille deux cents quarante-cinq livres quatoi'ze 
solz quatre deniers tournois, et icelle avoir et prendre par leurs sim- 
ples quictances sur les deniers tant ordinaires que extraordinaires de 
nostre recepte généralle de Lyon et commancer du premier jour de jan- 
vier prochain et continuer dorésnavant de quartier en quartier le paye- 
ment de ladicte rente jusques audict remboursement desdicts neuf 
mil deux cens quarante cinq livres quatorze solz quatre deniers tour- 
nois, moyennant lequel remboursement ladicte rente demeurera éteinste 
et rachaptée ; si donnons en mandement à noz amez et féaulx les gens 
de nos comptes à Paris et trésoriers de nostre épargne et aux trésoriers 
de France et général de nos finances audict Lyon que ces présentes ils 
vériffient et fassent enregistrer en registres tant de nostre dicte cham- 
bre des comptes que desdictes trésorerie et généralité et du contenu 
en icelle joyr et user les héritiers dudict feu Gaspard Duilfoprougard leurs 
successeurs et ayans cause plainement et paisiblement sans permettre que 
aucun empeschement leur soit mis ne donné au contraire, mandons en 
oultre auxdicts trésorierde nostre épargne, trésorier de France et général 
de noz finances audict Lyon et a chacun deulx que par les trésoriers 
generaulx de noz finances establys audict Lyon et des deniers tant 
ordinaires que extraordinaires de leurs charges, ils faccnt payer, bailler 
et délivrer comptant dorésnavant chacun an et par quartier auxdicts 
héritiers dudict feu Gaspard DuifToprougard la somme de quatre 
cens soixante deux livres cinq solz deux deniers tournois de rentes 
et laisser fondz auxdicts trésoriers généraulx pour l'acquicter et rap- 
portant par lesdicts receveurs généraulx respectivement le vidimus 
des présentes pour une foys tant seulement avec quiclance desdicts 
héritiers leurs successeurs et ayans cause sur ce suffisante, voulons 
tout ce que leur aura esté sur ce payé estre passé et alloué en la des- 
pense de leurs comptes et rabbatue de leur recepte par lesdicts gens 
de nos comptes ausquelz ordonnons ainsi le faire sans difficulté, car 
tel est nostre plaisir, nonobstant quelzconques ordonnances anciennes 
et modernes faictes sur le faict de nos finances auxquelles et aux 
dérogatoire des dérogatoires y contenues, Nous avons dérogé et déro- 



(>S LKS LUTHIF.IîS J.Y îNNAIS .\V XXi" SIÈCLE 

<(cons à quelconques ordoniianses, mandenienls, dérrenccs et leltrcs à 
ce contraires, en tesmoinj^^ de ce )ious avons faicl mettre notre scel à 
ces dictes présentes. 

Donné à Amboyse le xvi° jourde décembre lan de grâce mil cinq 
cens soixante onze et de noslre règne le douzième, ainsi signé sur le 
reply par le roi en son conseil. Dolu; et a coslé registre on la chambre 
des comptes, oy sur ce le procureur général du roy pour jouir par les 
impétrans de lellcct et contenu eu icelles le xiv'' jour de niay lan mil 
cinq cent soixante douze, signé Dave, et au dos est escripl enregistré 
sur registre du conlrerolle trènéral des finances à Paris le deuxiesme 
jour de septembre mil cin({ cens soixante douze, signé Marillac et 
scellées du grand scel de cire jaune sur doul)le queue pendant. 

Collalionné à loriginal exhibé par noble Jacques Daveyne, conseiller 
du roy et trésorier général de France à Lyon a liiistant rendu par nous 
notaires tabellions royaulx soubzsignés ce xxn^ janvier i586. 

Sif/né : DoRLiN, Du.mont. 
(Archives de la ville de Lyon, EE, Ghappe 4, "" i8, pièce i). 



II 

Donation pour Ju II ien Viard, par Jehan Diiifoprocart. 



A tous ceulx qui ces présentes lettres verront, nous, garde du 
scel commung royal estably aux contractz es bailliage de Mascon et 
seneschaussée de Lyon, scavoir faisons que par devant Anthoine Ber- 
nard, notaire tabellion royal dessoulzsigné et en la présence des tes- 
moings après nommez fust présent Jehan Duil'oprocard, faiseur de lutz, 
demeurant audict Lyon, fds et cohéritier par bénéfice d'inventaire de 
feu M^ Gaspard Duifoprocard, quand vivoit aussi faiseur de lutz demeu- 
rant audict Lyon, lequel en considéracion des bons et agréables plaisirs 
et services à lui faictz par honneste personne M*^ Jullien \^iard, garde et 
munitionnaire de la ville dudict Lyon et quil espère quil luy fera par 
cy après, de la preuve desquels icelluy Duifoprocard la relevé et rel- 
lève par ces présentes, a cestc cause icelluy Duifoprocard, donateur 
de son bon gré et boiine vollonté pour luy et lc3 siens quelsconqucs. 



GASPARD DUIFFOPROUGARÏ Qq 

a donné et donne par ces présentes, par donacion pure simple et irré- 
vocable faicle entre vifz du présent et a tousjours vallable audict 
M® Jullien Viard, présent et acceptant et le remerciant, pour luy et les 
siens quelconques, assavoir la part pourtion de tous les droictz, noms 
et actions que ledict donateur a et peult avoir sur une terre ou her- 
maige * ou soulloit estre une maison, court et jardin audict feu Gas- 
pard appartenant^ size audict Lyon près la closture ou soulloit estre 
ladicte citadelle contenant la semaille de demy bicherée ou envyron, 
joignant la ceinture de la citadelle dudict Lyon de bize, jouxte ladicte 
rue'desoir, une petite ruellequi estoit sur le devant dudict fonds entre 
les Cappons et les Baronatz de matin, la maison de Monsieur Dupéi-estz 
de vent, saufz de ladicte terre ses aultres plus vrais et légitimes con- 
fins avec les fonds, fruictz, entrées, yssues et appartenances quelcon- 
ques dicelle portion, de laquelle et de ses dictes appartenances ledict 
donateur faict au prouffît dudict donataire et des siens les devestiture, 
investiture, translation de droict, constitution de précaire, donation de 
prévalue et aultres choses requises et à ces fins ledict donateur a faictz 
et constitué ses procureurs irrévocables le pourteur des présentes, 
pour comparoir pardevant tous juges qu'il appartiendra et illec deman- 
der et requérir linsinuacion et registraturc des présentes et faire toutes 
actes que au cas appartiendra, promectant obligeant et soubzmettant 
pour ce par serment ledict donateur pour lobservacion du contenu en 
ces présentes tous et chacun ses biens quelconques à toutes cours 
royalles et aultres audict Lyon et ailleurs establyes, et a renoncé et 
renonce à tous droicts contraires aux présentes, et mesmement au droit 
disant généralle renonciacion non valloir si la spéciale ne précède ; en 
tesmoing desquelles choses, nous garde susdict avons faict mettre et 
apposer à cesdictcs présentes le scel royal. 

Passé à Lyon en la bouticque du notaire royal soubzsigné le deuxiesme 
jour doctobre lan mil cinq cent quatre vingtz et cinq, présents à ce les 
tesmoings soubzsignéz M* Marcelin Cerat, Maurice Torret, Jehan 
Gotsch, clercz demeuranz audict Lyon et les dictes parties ont signé 
la cedule et expédié au proulTict dudict sieur Viard et des siens quelz- 
conques. 

Signé : Viard, Torret, Gérât, Jehan Duiffoprougart, 

Bernard, Gotsch. 

* Terrain inculte. 

' Ge mot est rayé dans l'acte notarié original. 

H. c. S 



70 LES LUTHIERS LYONNAIS AU XVl" SIECLE 

Insinué et registre la présente donacioa au soixante dix neufviesme 
volume des registres et des insinuacions de la sénéchaussée et siège 
présidial de Lyon, ce requérant M* Arnaud Faury, procureur pour le- 
dict M* Jullien Viard, donataire susdit, pour lui servir et es siens 
suivant l'ordonnance ce que de raison dont a esté octroyé acte le cin- 
quiesme jour de novembre lan mil cinq cent quatre vingtz et cinq. 

(Archives de la Chambre des notaires de Lyon : registre intitulé 
K Papier de tous les contractz et actes receus par M. Anthoine Bernard, 
notaire et tabellion royal, despuis le commencement de Tannée mil cinq 
cent quatre vingts cinq et jusques au moys de novembre ensuyvant » 
fol. 610. — Archives départementales du Bhône,B, registres des insi- 
nuations, vol. 77). 



LISTE CHRONOLOGIQUE 

des LnthlerM lyonnaU du XVl" «lècle 



TABLE ALPHABÉTIQUE 



LISTE CHRONOLOGIQUE 

des» Iiiitlil4*i*«i lyonnais du 1L¥1" fiilècle 



Nicolas Bontemps (... 1007 — i5i7 ...). 
Honoré de Lœuvre (... i523 — y vers i55o). 
Mathelin de La Noue (... 1 523 — 7 avant i555). 
Luc Gentil (... i545 — i552 ...). 
Gaspard DuiU'opruucurl (i5i4 — y iSjo). 
Toussaint Faurc (... i555 — -\- avant i564). 
Benoît Lejeuno (... i557 ...), 
Philippe Flac {... 1067 — i5y'ii ...). 
Jean Helmer (... i568 — 1572). 
André Vinatte (... i568 — j 1572). 

Simon (... i568 — 1573 ...). 

Pierre Le Camus (... 1073 — 1575 ...). 
Nicolas Juli (... 1573 — 1575 .... 
François Furet (... i583...). 
Jean Duifroproucait (... i585 ,..). 



TABLE ALPHABÉTIQUE 



Agnin (Claude) 29 

Aix-la-Chapelle . . . . 35,36 

Aux (Benoît) 24 

Allemand ou Laleman (Gas- 
pard) V. DuilToproucart 

(Gaspard) 23,26 

Amati (André) .... 55,59 

Amati (Les) 8,55 

Amboise 3o,68 

Aneau (Barthélémy) ... 19 

Anvers 60,61 

Appian Denewitz bibl. . . i5 

Archiluth .45 

Augsbourg 82 

AuTRiciiE-EsTE (Archiduc 
François-Ferdinand d') 44.45 

Baldin (Clémenl) bibl. . 19 

Barge (Lionel de). ... 49 
Baron (Ernst-Gottlieb) bibl . 1 3 , 44 
Baronnat (Geoffroy) . . . 24 

Baronnat (Les) 69 

Basse de viole . . 34,37,39,40,41 
Berenzi bibl 60 



Berlin 44 

Berlioz Sy 

Bernard (Antoine) . , 68,69.70 

Bernhardt (C.B. )hih\. . . 11 

BertoIoUi f A.) hih]. . . . 34 
Bertolotti (Gaspar di) v, Da 

Salo, 

BiRAGUE (Président de). . . 66 



10, i3. 



28 
33,35 

47 
53 



BizoT (Ennemond) 
Bologne . 
BoNTEMPs (Nicolas). 
Bourges (Clémence de). 
BouzEY (De), voir Wœii'iot 

Brescia 

Bruxelles .... 36,87,39,60 
Burhnre (Léon de) bibl. . . 60 



Calvin (Jean) . 
Canale bibl . 
Cappom (Les) 
Carloix bibl. 
Castil-Blaze bibl. 
Cer.\t (Marcelin) 
Chanot (Ilumbert) 



34 

2 1 
1 1 

3i 



76 



Ghanot, luthier de Londres. . 35 
Chanot, luthier de Paris. . /jo 
Chardon (Gabriel) .... ao 
Chardon, luth, de Paris, 89,40,41 
Charles IX . . 27,29,30,55,56 

Charles-Quint 53 

Chilarrone 44,1^ 

Choron et Fayolle, bibl. . . 9 
Chouquet, bibl. . . i4,i"»,.'io 
Ghristofle (Jean-Pierre). . 49 

Constance 32 

Cornet 5o 

Cruche iB 

Da Salo (Gaspar) . . . 8,55 

Dave 68 

Daveyne (Jacques). . . .68 
Defaubrocard ouDufobrugard 

(Marguerite) .... 27,30 
Des Periers (Bonaventure), 

bibl 54 

Desvernay (Félix) h'ihl. . . 20 
DiFFENPLUGAR (Gaspard) . . 21 

DoLu 68 

DoLY (Valois) 24, 3o 

DoNALDSON (Sir George) . . 44 

Donauwerth 43 

DoRLIN 68 

Droin (Tristan) 24 

Dubois (Michel) 24 

DuiFForRoucART , Duifîopro- 

card ou Duifoprocard (Jean 

ou Jehan) . . 81,42,43,68,69 
DuiFFOPRoucART (Gaspard) , 

passim et surtout de 8 à /i3 
Variantes : 

TielTenbrucker (Gaspard). 9 

Duifïoprugcar (Gaspard ou 



TABLE ALPHABETIQUE 

Caspar) 



9,10, 1 1 ,18,17. 
22, 36, il 
Duitîobrocar (Gaspard). , 2 3 
DuifToprougar — 
Dubrocard — 

Brocard — 

Dufourbourcar — 
Duyfautbocard — 
Dielfenbruger (Gaspard et 



Caspar) 



29 



Dutfonbocguard (Gaspard) 
Difîobrical — 

DilFobricard — » 

Desfobrical — » 

Dufobrugard — 3o 

DuilTopruggar — 36 
Duilîoprougard — 65,67 

Duifoprocard — 68 

DLîIFFOPRUGCAR(Uldrich). . . i3 

DUMONT 68 

DuPERETZ 69 

Duplessis hih\ 21 

DuPORT 87 

Edimbourg 61 

Elisabeth, reine d'Angleterre. 61 

Epinette 47,53,57 

Erculei bibl 48 

Faure (Toussaint) . . . . 5o 

F.vuRY (Arnaud) 70 

Favolle, V. Choron. 

Ferrare (Cardinal de) ... 58 

Féiis bibl 10,11,86 

Finocchietti bibl , . . . 48 
Firmin - Didot (Ambroise), 

bibl. 17 

Flac (Philippe). . . 48,49,34 



TABLE ALPHABETIQUE 



77 



Flûte 49 

Flûte d'Allemagne. . . • Sy 

Flûte de Pan 38 

FoRSTER V. Sandys. 

Francalucgi -55 

Franchomme 37 

François P'', 10,1 3, 26, 3 3, 35, 55^50 
Freising ou Fressin. . . 25,32 

Frev (Hans) 61 

Furet (François) . . . . 5i 

Gallay (Jules) bibl. ... 12 
Gardillar (Claude). . . . 24 

Gentil (Luc) 5o,52 

Gerher (Ernst-Ludwig) h\h\. 9, 

l4,22 

Gerle (Conrad) 61 

Gerle (Hans) 61 

Gevaert (F. -a.) 36 

Gigue 17 

Gigue polonaise 61 

GiRAUD (J.-B.) 4i 

GoNZAGCE (Les) 34 

GoTscu (Jean) 69 

Grosset (Rolin) .... 29 

Grove hih\ i5 

GuiLLET (Pernette du). . . 53 
Guitare ou guiferne 16, 48, 54, 55 



Hajdecki (A.) 
Harpe . . . . 
Harpe-sistre . 
Hart (G.) bibl. 



. 36,46,61 
. 16,54,57 
. . . 45 
14,37,55,59 



Hartung (Michel) 44 

HELMER(Carl) 52 

Helmer (Jean) 48 

HenriII 25,53,58 

Henri HI 3o 



Henri IV 3o 

Hillemacher 4! 

HOCHBRUCKER (Lcs). ... 43 

Homeau (Barbe) 28 

Hume (Richard) 61 

Jacguot (Albert) hihl. 14,17, »5, 

20,26 

JuLi (Nicolas) 5i,6i 

Kieseweter bibl. . . i4,36 

Labè (Louise). . . . 18, 20, 53 
Lahorde (Marquis Léon de) 

bibl 33 

La Noue (Mathelin ou Mathieu 

de) 5o,52 

Lasalle (Jacqueline) . . . 5i 
Le Camus (Pierre). . . . 49 
Lejeune (Benoît). . . . 24,47 

LÉON X 10 

Léonard DE Vinci 35 

Lèvres (Pierre de), voirLoEUVRE. 
Lilius Gregorius bibl. . . 19 

Livi (G.) hihl 8,60 

LoBKowiTz (Pi'ince Maurice). 4f 
Loeuvre (Honoré de). . 47,52 

Londres 35,36 

Lucerne 21. 32, 43 

Luth . 16,38,40,44,45,48,49,53, 

56,57.68 
Lyon, passim. 

Lyra du braccio 36 

Lyra di Gamba. . . . • 45 

Maçon 68 

Mahillon (V.) 36,39 

Mandole 44 

Manicordion 47, 53 

6 



y8 TABLE AI 

Mantoue 8,33 

Marchand (François) . , . 5o 

Marillac 68 

Médigis (Catherine de). . 53, 58 

Médicis (Les) Gi 

Meertz 35,36 

Meiningen 32 

Mendel (Hermann) bibl. 12,22 

Michel- Ange 4i 

MoLiNiER (E.) 42 

Modène 44 

MoNDiDiER (Etienne de). . . 24 

Mons 10 

MoNTENAY (Georgelte de). . 18 
MoNTEVERDE (Glaudio). . 57,60 

MoNTMARTIN (De) 29 

MOREL DE VOLEINE .... 38 

Mostar 36 

Munich 25 

Mùntz (E.) bibl 60 

Neufchâteau 18 

Neusiedler (Hans). . . . 6i 
Nieclerheitmann (F .) bibl. i5,35 

40 

Nordlingen 3 2 

NosTRADAMUs (MicHel). . 18,22 
Nuremberg .... 14, 32, 61 

Orléans (Duc d") .... 33 

Padoue 45,46 

Palestrina 60 

Paris . . . 10,11,34,39,40,41 
Pavalier (Claudine). . . . 5o 
Pavalier (Jeanne) . . . . 5o 
Pelletier du Mans hih\. . . 54 

Petit-Bernard 18 

Petitot bibl 21 



PHA BLTÎQUE 

P/co/e///.s bibl i5 

Prague Sa 

Rabelais bibl 57 

Raphaël 38 

Raoul 37,38 

Rehec 17,54,57,58 

Refuge (De) 27 

Reissmann bibl 12 

Ricaud (Jean) bibl. . . 48, 5o 

Riechers 36 

Rohert-Dumesnil bibl. . 17,20 
Roqu efo r i-F lamericourt 
(Jean - Raptiste - Ronaven- 
ture) bibl. 9,10,1 i,i4,33,34,4i 

46 
Roville (Guillaume) bibl. . 58 

Roy (Jacques) 29 

Rubys (Claude de) bibl. . 53 
Rûhlmann (Richard) bibl. 1 4/i5 

Sacchi (Federico) bibl. . . 56 
Saint-Pétersbourg .... 36 

Saint-Rémy 22 

Salzbourg 2 5 

Saquebute 57 

Sandys et Forsier bibl. 12,61 

Saxe (Roi de) 45 

Schebek (E.) bibl. . . . 4o 

Simon 49 

Sistre 17,54 

Stoss (Martin) 45 

Stradivari (Antoine). . 11,37,58 
Sully ........ 3o 

Tachon 49 

Théorbe 45 

Théorhe romain. . . . 44,46 



TABLE 

TiiîFFiîNBRÛCKER (Gaspard), v. 
Duiffoproucart (Gaspard). 

TiEFFENBRÛcKER OU Ticfem- 
brûcker (Leonardus). 44,45 

TiEFFENBRÛCKER , Diefl'opru- 
char, Dieffenbruger, Tieffo- 
pruchar ou TielToprucar 
(Maguus) .... 44,45 

TiEFFENBRUCKER ou Tielïcnbru- 
ker (Vendelinus). . 44,45 

ToRRET (Maurice) .... 

ToucHARD (Henry) .... 

Triboulet 

Trombone, voir saquehute. 

Trompette 

Ulm 

^^\ELBECKE (Lewis ou Lode- 
wyk van) 

Vaziers (De) 

A'enere (Vendelino, Vendelio 
ou Benn Dellio). . 44,45. 

Venise 44,45, 

ViARD (Jullien) . . 81,68,69 



ALPHABÉTIQUE 



79 



,46 



,46 

,46 
69 

29 
36 

49 

32 

60 
40 

46 
46 



^^IARD (Nicolas) 3i 

Vidal {Antoine) bibl. I2,i3,i5, 

34,37,40,41,55 

Vh'Illeville (Maréchal de). . 21 

Vienne 44,45 

VixATTE (André). . 47, 48, 5o, Si 
Viole . . 16,39.47,48,56,57,58 

Viole d'amour 17 

Violon. 7,16,35,36,37,40,41,54, 
55,56,57,58,59,60,61,62 

Violoncelle ^7,39 

^^OLET (Jacque.'-) 24 

VunxAUME (J.-B.) . . . 34,37 

Wagner (Major von) ... 9 
Wasielewski (Joseph- Wil- 

hemvonjhih]. 12, i3, 14,26,36 

WoEiRioT (Pierre). io,i2,i3,i5, 

17, 18,19,20,21,22,27,36,40,43, 

52,54,59 

YoussoLPOw(Le prince) 12,36,37 

Zacharie (Benoît) 28 



Lyon. — Imp Pitii*,t Ainr, A. Rey Successeur, 4, rus Gentil. — 5607